«Sept jours», sur l’île du dernier amour
Cinéma
Un homme et une femme se donnent une semaine pour s’aimer sous le soleil de la Sicile

L’argument laisse dubitatif. Pour organiser une noce, un homme et une femme disposent d’autant de jours que Dieu eut pour créer le monde. Il est écrit que, sous le soleil exactement et sous l’emprise de la dolce vita, ils vont tomber amoureux – selon le modèle du Sauvage, de Rappeneau, de 6 Jours, 7 Nuits, et autres comédies romantiques. Ivan (Bruno Todeschini) et Chiara (Alessia Barella) n’échappent pas à ce destin mais, au lieu de la marche nuptiale, Sette Giorni joue une petite musique grinçante au charme irrésistible.
Il arrive par les collines, elle arrive par la mer. Il est botaniste, elle est costumière. Ils se retrouvent sur la jetée avec une semaine devant eux pour préparer le mariage du frère d’Ivan et de la meilleure amie de Chiara. Ils font le point sur cette mission impossible. L’hôtel est lugubre et moisi. Le phare où les jeunes mariés veulent passer leur nuit de noces est en ruine. Malgré le découragement, ils se mettent au travail. Et puis le ciel est bleu, la mer aussi et pleine de sirènes, semble-t-il… Bref, sur la grève, les corps se rapprochent. Ivan craignant l’échec, Chiara ayant un compagnon, ils décident de mettre fin à leur relation à l’arrivée des invités. Seulement, qui peut prétendre maîtriser cette force qu’est l’amour?
Un air de mandoline
Né en 1957, à Schaffhouse, Rolando Colla a une quinzaine de films à son actif, courts (la série Einspruch) et longs métrages (Le Monde à l’envers, Marameo, L’Autre Moitié…). En 2011, il sort Jeux d’été (Giocchi d’Estate), une œuvre douce-amère brassant le souvenir des grandes vacances d’été, les premiers émois et les jeux interdits, couverte de Quartz (meilleurs film, scénario et photographie). Avec Sette Giorni, le réalisateur confirme la singularité de son talent.
Quand son collègue italo-suisse, Denis Rabaglia, évoque le pays d’origine, il propose avec Marcello Marcello une fable fraîche et colorée comme une pasticceria napolitaine. A cette charmante carte postale, Rolando Colla préfère le réalisme, jusqu’au détail trivial du poil sur la langue. C’est une histoire entre adultes qu’il raconte. L’existence a cabossé tous les protagonistes. Les mariés sont d’anciens junkies, comme la plupart des invités de la noce. Ivan est un divorcé solitaire, Chiara a connu des problèmes de drogue. Ils n’ont pas besoin de faire donner les violons avant de s’étreindre, mais la crainte du bonheur les bloque dans leur élan.
L’histoire se déroule sur une île râpée par le soleil et le vent. La plupart des habitants sont âgés – et on rejoint la réalité de l’exode rural décrite par Shu Aiello et Catherine Catella dans leur documentaire, Un Paese di Calabria. Ces octogénaires ombrageux révèlent leur humanité à travers des traditions culinaires (sang frit…) et musicales. Sur leurs accordéons, sur leurs mandolines, ils font revivre des mélodies d’autrefois tristes et belles à fissurer l’âme. Ivan ayant remplacé l’ampoule du phare abandonné, la lumière jaillit.
*** Sette Giorni (Sept Jours), de Rolando Colla (Suisse, Italie, 2016) avec Bruno Todeschini, Alessia Barella, Linda Olsansky, 1h36.