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La série «The Newsroom», théâtre américain

Aaron Sorkin, qui avait furieusement écrit «A la Maison-Blanche», plonge plume et caméras dans une salle de rédaction de TV. Une fresque plus large que son thème

Genre: DVD et Blu-ray Qui ? Série créée par Aaron Sorkin Titre: The Newsroom Chez qui ? HBO

Le décor diffère – et on verra que cela compte – mais les dialogues sont toujours débités à la mitraillette. Ils semblent même encore plus assénés en rafale, ce qui semblait peu possible. Avec la série poli­tique A la Maison-Blanche (The West Wing, 1999-2006), dont il avait contrôlé les cinq premières saisons sur sept, le scénariste Aaron Sorkin avait imposé cette chorégraphie de la parole durant d’interminables, et passionnantes, négociations autour du président des Etats-Unis. Il a tenté ensuite le monde du divertissement de télévision avec la série Studio 60 on the Sunset Strip, puis écrit The Social Network, film sur le créateur de Facebook, et le voici qui s’intéresse au journalisme.

The Newsroom commence lorsque Will (Jeff Daniels), le présentateur vedette de l’émission du soir d’une chaîne fictive, apprend que son équipe change, et que son ex-amie MacKenzie (Emily Mortimer) reprend la production de ce téléjournal. Ce qui n’enchante pas l’homme-tronc. Au reste, il doit composer avec de nouveaux collaborateurs, et avec les ambitions de MacKenzie, qui veut refondre l’émission afin de retrouver un esprit plus acéré («nous faisons de l’information, pas de la télévision»). Ma­nœuvres orchestrées par Charlie (Sam Waterston), le patron à nœud papillon, lequel fait le lien, difficile, avec les propriétaires de la chaîne.

Aaron Sorkin plongeant plume et caméras dans le bocal d’une salle de rédaction TV, voilà qui a de quoi affoler ses fidèles. Toutefois, ce point précis se révèle peut-être le moins percutant de The Newsroom. De toute évidence, le scénariste, qui écrit furieusement chaque épisode comme à son habitude, aborde de nombreux enjeux du journalisme, et assume à merveille ­l’exploration du milieu qu’il a choisi. Sur fond de grognes sociales dues à des coupes budgétaires dans certains Etats, de Printemps arabe, de catastrophe de Fukushima, The News­room mêle les histoires particulières de ses protagonistes avec les débats sur la manière de traiter l’actualité, face aux événements du monde. La série n’évite pas les tensions économiques du secteur, en particulier dans un brillant troisième épisode. Par un réflexe qui rappelle sa série politique, l’auteur aime conférer à ses créatures une part d’idéalisme – ici, autant à Will qu’à MacKenzie, malgré leurs chocs incessants, et à Charlie, la digue permanente. Une posture qui enrichit les personnages tout en alimentant les tensions dramatiques.

Ainsi, The Newsroom, qui en est à sa deuxième saison, parle du monde de l’information… entre autres. Aaron Sorkin revient au débat politique, par un autre biais.

Privé des déambulations dans les couloirs de la Maison-Blanche qui permettaient les vertiges verbaux d’A la Maison-Blanche, il se trouve un peu enfermé dans cette salle délimitée de part et d’autre par des murs et des portes vitrées, et les bureaux qui la bordent. Il en fait donc une scène de théâtre. En insistant davantage sur les collisions psychologiques et relationnelles des protagonistes, et en instillant à leurs drames quotidiens une forte dose d’humour, il approche un peu plus d’une grande peinture de la société américaine. Ce qui semble constituer son dessein, son ho­rizon. The Newsroom raconte autant le journalisme que les ­relations professionnelles et amoureuses dans une certaine Amérique. C’est son plus grand mérite.