Fiction TV
La RTS montre une série danoise, brillant thriller économique dans le business des énergies nouvelles. En sus, elle offre le plus beau générique du moment

C’est sans doute le plus beau générique de série TV du moment. «Follow the Money» («Bedrag», en version originale) s’ouvre sur les images de personnages insérés dans le décor froid de bureaux fonctionnels, ou dans certains décors urbains tels qu’un garage. De l’eau s’immisce sur des claviers d’ordinateurs, coule depuis la calandre d’une voiture, emplit peu à peu les salles de réunion bleuâtres…
En danois, il doit exister un exact équivalent de l’expression «prendre l’eau»: car c’est bien ce que raconte ce générique conçu par la compagnie spécialisée Benny Box. Il montre une société – dans les deux sens du terme, le monde social et l’entreprise – qui prend l’eau (Voir le générique ici).
La mort sous les hélices
«Follow the Money» est un thriller économique danois en 10 épisodes, dévoilé ce mercredi soir par la RTS, qui a une deuxième saison. Le début colle bien au pays: on trouve un cadavre au pied d’une éolienne, non loin de Copenhague. C’est un ouvrier ukrainien qui travaille sur le champ d’hélices géantes. Le policier chargé de l’enquête, «Mads» (Thomas Bo Larsen, vu naguère dans «Festen» puis «Pusher»), comprend vite que d’autres morts suspectes ont eu lieu sur le site. Les conditions de sécurité seraient bancales.
Energreen, la société qui exploite le champ, se trouve dans la tourmente pour d’autres raisons. Elle est victime de fuites qui bénéficient à de douteux intérêts. Claudia (Natalie Madueño, belle autant qu’efficace), une employée du service juridique, reçoit la mission d’isoler la source des indiscrétions. Toutefois, sa traque conduit à la chute de son propre chef. Alexander (Nikolaj Lie Kaas), le patron d’Energreen, paraît déterminé à éclaircir ces complots, mais il semble aussi prêt à tout pour séduire d’éventuels investisseurs. A Abu Dhabi, face à une éminence émiratie qui veut miser sur les énergies durables, Alexander prend tous les risques, au point d’inquiéter Claudia.
Due à Jeppe Gjervig Gram, qui fut le scénariste principal de «Borgen», «Follow the Money» prouve à quel point le génie danois en séries TV est mature. La distribution se révèle impeccable d’un bout à l’autre. Même sans coups de théâtre fracassants en fin d’épisodes façon «The Killing» («Forbrydelsen», révélée il y a juste dix ans), la tension demeure permanente.
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Une vraie fiction économique
Surtout, «Bedrag», «la tromperie», tient à merveille son enjeu économique. En Norvège, le puissant suspense «Mammon» – que la RTS montre aussi ces jours – mêle affaires et politique, avec un fort accent sur la seconde. «Follow the Money» a bien quelques sous-intrigues liées au ministère concerné par les manœuvres d’Energreen, mais le point de vue, et le cœur du drame, demeure au sein de l’entreprise, et dans les visées de son patron. La démarche est plus rare qu’il n’y paraît; souvent les fictions sur l’économie utilisent celle-ci comme un pur contexte, éthéré, arrière-fond de tactiques sentimentales ou psychologiques.
Jeppe Gjervig Gram et ses auteurs font preuve d’un certain courage. «Follow the Money» présente certes un regard critique sur le business, sans pour autant basculer dans le décapage aigri ou caricatural. A Abu Dhabi, la série évoque même l’un de ces soporifiques symposiums qui rythment vraiment la vie des affaires. Dans les premiers temps au moins, Alexander se montre ambigu, mais dans le cadre de la contrainte des affaires. Et le créateur n’a pas choisi un affreux magnat du pétrole, il a privilégié la piste bien moderne, bien pensante aussi de prime abord, des nouvelles énergies. Original.
Follow the Money (Bedrag). 10 épisodes. Dès ce mercredi soir, RTS Un, 22h20. En DVD, avec sous-titres anglais, chez Nordic Noir.
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