Ne cachons pas notre joie
Pour les amateurs de séries qui ont vécu des années de dénigrement général – oui, longtemps ce fut ainsi, les séries étaient conspuées –, il serait hypocrite de ne pas cacher sa joie. Des séries dans l’auditorium cannois, c’est la revanche du vilain nain télévisuel sur toutes les belles de cinéma. C’est George R. R. Martin publié en Pléiade. C’est l’opium du peuple inoculé dans les veines des cinéastes à sang bleu. Une reconnaissance au plus niveau, enfin, dans l’écrin même du plus grand festival de cinéma du monde.
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N’exagérons pas
Voilà pour l’aspect symbolique. Il y a du juste dans cette vision, mais il ne faut pas exagérer le triomphe de ces jours. L’entrée du champ des séries dans les études universitaires – même plus avant, dans les lycées voire les collèges –, la prise en compte de l’audace des feuilletons dans leur lecture du monde, par des enseignants passionnés, voilà qui compte bien davantage, sur le long terme, que les honneurs d’une paillote de luxe.
Le sacre des séries, si l’on en cherche un, a commencé le jour où des membres de l’élite ont commencé à se dire qu’il se passait là quelque chose de puissant, illustrant une vigueur dont le vieux Hollywood flapi ne semblait plus capable.
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Rien ne sera plus comme avant
En outre, les fidèles du genre ne doivent pas être naïfs. Le maire de Cannes est peut-être sincère lorsqu’il crie son amour des fictions TV, mais le calcul est aussi touristique et commercial. La ville avait déjà le MIPTV, grand marché audiovisuel international; l’ajout d’une manifestation populaire autour des séries enrichit sa palette. Dans le journal officiel de la ville, Canneseries est mis en avant au même titre que l’étape locale du Red Bull Air Race, peu après. Stratégies d’élargissement des publics.
Resituer l’événement n’empêche pas de le goûter. Mercredi soir, le Palais a été pris. Dès le 8 mai prochain, pour le grand festival, il s’offrira à ses maîtres historiques, les gens de cinéma, lors d’une 71e célébration. Mais rien ne sera plus comme avant.