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Dans le cadre de son programme pour la culture 2021-2024, le Conseil fédéral prévoyait de demander aux diffuseurs en ligne de soutenir films et séries suisses. Surprise, il ajoute les chaînes qui drainent de la pub en Suisse, comme TF1, à cette astreinte

Ce n’est pas tout à fait une taxe, précise Alain Berset. Dans le programme du Conseil fédéral pour la culture, années 2021-2024, le gouvernement confirme son intention d’instaurer une ponction de 4% sur les recettes en Suisse des services en ligne, de type Netflix – à moins qu’ils ne soutiennent des productions indépendantes helvétiques. C’était l’intention première du gouvernement. Mais la version finale du projet, dévoilée mercredi, contient une petite bombe.
Car le gouvernement compte aussi assujettir les chaînes de TV qui ont des fenêtres publicitaires et/ou qui fabriquent des programmes en Suisse. C’est-à-dire TF1 et autres, sur les terres francophones. Alain Berset explique que cette «mesure importante permet de mettre tout le monde sur un pied d’égalité», les diffuseurs suisses ayant déjà les mêmes contraintes.
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Une bataille acharnée
Les fenêtres publicitaires étrangères ont fait l’objet d’une bataille acharnée dans les années 2000-2010, surtout en Suisse romande, car la RTS avait alors contesté aux chaînes le droit de venir prendre de l’argent des annonceurs sur ses terres. L’affaire était montée jusqu’au Tribunal fédéral. De fait, la Suisse est l’un des rares pays en Europe à ne pas taxer les recettes des diffuseurs sur son territoire, ou à ne pas demander de contribution à la production audiovisuelle nationale.
L’Office fédéral de la culture estime à 50 ou 60 millions de francs le produit de l’éventuelle taxe – estimation hasardeuse, quand on connaît l’opacité de Netflix, entre autres. «Mais nous ne voulons pas cet argent», lance Isabelle Chassot, directrice de l’OFC: «L’idéal est que les diffuseurs et les services investissent en Suisse.» Puisqu’il est question de rayonnement des œuvres, les achats seraient pris en compte, par exemple quand Netflix acquiert une série suisse, à l’image de Station Horizon.
Le débat va cependant être vif, car en ces temps de baisse des revenus publicitaires dans les TV, il n’est pas impossible que les groupes étrangers contestent cette nouvelle astreinte. Pour Alain Berset, c’est une manière d’aborder «les défis de la numérisation, notamment face à l’explosion des plateformes en ligne».
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Pas de quotas suisses
Le gouvernement ne suit en revanche pas les demandes de la branche à propos de quotas d’œuvres suisses dans les flux des diffuseurs. Il s’en tient à la demande de 30% de créations européennes, «pour appliquer la directive européenne en la matière», précise Isabelle Chassot. La Suisse, qui veut reprendre sa participation au programme d’aide audiovisuelle de l’UE, Media, n’a aucun intérêt à ajouter une exigence locale.
L’ensemble du programme fédéral pour la culture est devisé à 934 millions de francs pour quatre ans. Après son extension, le Musée national recevra une hausse de crédits. L’enveloppe dévolue à la formation musicale fait aussi partie des domaines qui bénéficieront d’une augmentation. Le Conseil fédéral met aussi en avant une action pour la défense de la culture du bâti, en architecture et patrimoine.