Plutôt qu’une cinquième tentative de filmer Moby Dick, l’inadaptable roman métaphysique de Herman Melville, pourquoi ne pas remonter à sa principale source d’inspiration? L’idée n’était pas mauvaise, à vrai dire plus dans les cordes de Ron Howard (Apollo 13, mais aussi Da Vinci Code), solide artisan hollywoodien qui n’a jamais vraiment brillé par la profondeur de sa pensée. Las! Trop de mauvais choix, à commencer par celui de la 3D, ont tôt fait de couler l’entreprise.

L’aventure du baleinier Essex, parti à l’hiver 1820 de Nantucket en Nouvelle-Angleterre, a été reconstituée par Nathaniel Philbrick dans un ouvrage paru il y a quinze ans et que l’on dit excellent. En s’en tenant à sa sobriété réaliste, il y avait de quoi réaliser un grand film. Au lieu de quoi les auteurs nous convient à un véritable festival de kitsch hollywoodien, à commencer par un «récit-cadre» inventé de toutes pièces qui voit Melville (Ben Whishaw) rendre visite au seul survivant, Tom Nickerson (Brendan Gleeson).

Coulé par le cachalot

Encore hanté par le drame trente ans plus tard, ce dernier n’était alors qu’un jeune matelot observant en retrait la rivalité entre le capitaine patricien et son second (Chris Hemsworth) moins bien né mais plus expérimenté. Condamnés à chercher toujours plus loin (déjà la surpêche) la précieuse huile de cachalot exigée par leurs commanditaires, ils finissent par se retrouver deux ans plus tard dans le Pacifique Sud, où un cachalot géant se fâche et réussit à couler l’Essex. S’ensuit un long récit de survie en mer, avec un secret inavouable que l’on peut néanmoins aisément deviner.

Pas vraiment la matière d’un blockbuster hollywoodien? Qu’à cela ne tienne, le réalisateur dope l’aventure à coups de hachoir (montage frénétique, comme dans Rush) et de flonflons (comme dans Horizons lointains). Rien à faire, le résultat, tourné aux Canaries, ressemble plus au médiocre En pleine tempête de Wolfgang Petersen qu’au superbe Master and Commander de Peter Weir. Du coup, c’est Moby Dick sans la folie mais avec un happy end! Il fallait oser…

*Au cœur de l’océan (In the Heart of the Sea), de Ron Howard (Etats-Unis – Espagne 2015), avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Cillian Murphy, Brendan Gleeson, Ben Whishaw, Tom Holland, Michelle Fairley, Charlotte Riley, Frank Dillane, Jordi Mollà. 2h02.