Une Nuit courte des Césars
Cinéma
Après l’édition séditieuse de 2020, le grand raout du cinéma français se prépare à une cérémonie forcément étriquée témoignant du marasme de la branche. Sont nominés…

L’année passée, la soirée des Césars s’était achevée dans la zizanie et l’esclandre. Excédés par des années de clientélisme, rebutés par le patriarcat blanc, les professionnels de la profession obtenaient la démission du patron de l’Académie des Césars, le producteur Alain Terzian. Au terme d’une cérémonie pleine d’acidité et de rancœur, Roman Polanski, à jamais marqué au sceau de l’infamie suite au viol d’une mineure en 1977, était, affront ultime, sacré meilleur cinéaste. C’en était trop! La comédienne Adèle Haenel a aussitôt quitté la salle, poing levé. Virginie Despentes rédigeait On se lève et on se casse!, un brûlot sans concession. La révolution était en marche! Et puis le covid est arrivé. Le 13 mars, tous les rideaux se sont baissés.
Echoué sur les rivages incertains de la pandémie, le cinéma français a le moral à marée basse. Les salles sont fermées à présent depuis plus de cent jours, nombre de projets suspendus. Purgée de ses dinosaures sexistes, l’Académie des Césars refuse toutefois de céder à la morosité et reconduit la célébration, le 12 mars, dans une version online et minimaliste. Et dans un contexte qui reste maussade: Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l’image animée, est accusé d’agression sexuelle. L’actrice Marina Foïs sera la maîtresse de cérémonie, à elle de balancer les répliques vachardes écrites par Laurent Laffite et Blanche Gardin.
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Génie particulier
Pour cette 46e édition des Césars, les membres de l’Académie ne disposaient que d’un réservoir restreint où puiser les nominés. Ils ont dû voter pour les films sortis pendant la trêve estivale et ceux dont la carrière, parfois prometteuse, s’est arrêtée prématurément pour cause de confinement… Les œuvres retenues le sont un peu par la force des choses.
Le grand favori de l’année maudite est Emmanuel Mouret avec treize nominations pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait. Suivent avec douze nominations Adieu les cons, comédie énervée d’Albert Dupontel, et Eté 85, romance tragique de François Ozon.
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Un outsider inattendu, Antoinette dans les Cévennes, charmante églogue équine de Caroline Vignal, pointe dans huit catégories – dont meilleure actrice pour Laure Calamy, révélée par la série Dix pour cent, et dont le génie particulier mérite récompense. A noter quelques belles figures dans la catégorie Meilleurs seconds rôles, tels Noémie Lvovsky, Yolande Moreau et Edouard Baer pour La Bonne Epouse, Nicolas Marié pour Adieu les cons ou Jean-Pascal Zadi pour Tout simplement noir. Un regret: Effacer l’historique, de Benoît Delépine et Gustave Kervern, manifeste grolandais pour un monde plus juste, bouffée d’air frais et de niaque anar dans une année raplapla, méritait mieux que Scénario original.
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