«Vers un avenir radieux», Moretti en mode introspectif
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AbonnéLe cinéaste romain signe un beau film dans lequel il incarne son alter ego en plein tournage. Se confrontant de manière tragicomique à son rapport au cinéma, il amuse et émeut

Cela commence comme un film historique: la chronique d’un petit quartier romain et d’un élu communiste dont les ambitions vont se heurter, en 1956, à la désillusion de l’invasion soviétique en Hongrie. Mais ce film n’est pas celui que l’on va voir. Il s’agit du dernier long métrage qu’est en train de tourner Giovanni, un réalisateur qu’interprète… Nanni Moretti, dont le prénom de naissance est bien Giovanni. A bientôt 70 ans (il les fêtera en août), voici que le cinéaste italien se confronte frontalement dans Vers un avenir radieux, son quatorzième long métrage de fiction depuis le caustique Je suis un autarcique en 1976, à son œuvre, à son rapport à la narration et à la politique, au cinéma italien (et notamment à la folie baroque de Fellini, dont il a toujours été à l’opposé) et de manière plus générale à la création.
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Incarnée par Margherita Buy, qu’il dirige pour la cinquième fois, la femme de Giovanni est productrice. On la découvre d’emblée chez son psychanalyste, car vivre avec un réalisateur obsessionnel, ce n’est pas simple. Giovanni ne comprend guère qu’elle puisse travailler sur un film d’action coproduit avec la Corée. Dans une séquence irrésistible, il va même en interrompre le tournage pour disserter sur la représentation de la violence – «il faut analyser le mal en l’affrontant», dit-il avant de convoquer l’architecte Renzo Piano, qui va évoquer Apocalypse Now.
Rencontre: Nanni Moretti: «Je veux faire des films personnels pour le cinéma»
Ailleurs, c’est le nivellement par le bas selon Netflix qu’il va dénoncer, ce qui renvoie à ce qu’il nous disait en entretien, il y a deux ans à Cannes: «Lorsque vous regardez ce que proposent les plateformes, il y a quelque chose de très invasif, une volonté de tout contrôler. Je veux faire des films personnels pour le cinéma!» Tout cela pourrait être platement démagogique, si ce n’est que Vers l’avenir radieux est traversé par un irrésistible humour autoréflexif (avec des références discrètes à Palombella rossa ou Caro diario), Nanni incarnant merveilleusement Giovanni, surjouant parfois son personnage mais sans jamais donner dans la caricature. Et lorsqu’il ose des moments de comédie musicale, avant de convoquer en guise de plan final une parade circassienne dans lequel il rend hommage aux actrices et acteurs, on est véritablement ému.