Dieu merci, certains rockeurs ont aussi de droit de vieillir! C'est ce qu'on se dit devant Neil Young - Heart of Gold de Jonathan Demme, consacré au génial musicien d'origine canadienne à la veille de ses 60 ans. Pour l'essentiel, un concert filmé - mais avec un petit plus qui compte - qui immortalise une performance bâtie autour de son nouvel album Prairie Wind, en 2005 au légendaire Ryman Auditorium de Nashville, bastion de la musique country.

Pour le coup, le soussigné se sent tout piteux d'avoir jusqu'ici ignoré ce retour aux sources de Neil Young, sans doute déjà applaudi par les chroniqueurs musicaux du monde entier. Mais bon, un film peut aussi être là pour rameuter les ouailles égarées.

C'est bien simple: ce film est si beau qu'on a envie de... fermer les yeux la moitié du temps. Et ce n'est pas faire injure à l'excellent travail de captation réalisé par Jonathan Demme, avec ses huit caméras tournant pendant deux soirées, que d'affirmer cela. Car le cinéaste le sait bien: le vrai génie se situe ailleurs, dans la musique, le pur son, sur lequel n'importe quelle image devient parfois de trop.

Le bonus documentaire réside ici dans la mise en contexte (arrivée à Nashville de ces vétérans, évocation de la rupture d'anévrisme qui poussa Young à composer cet album réflexif) et l'enregistrement d'un plaisir évident de jouer encore une fois ensemble. Sans oublier la présence physique d'un Young adouci par l'âge, débordant de tendresse dans ses regards, d'ironie dans ses introductions et, comme le titre le souligne, de cœur lorsqu'il ferme les yeux pour aller chercher au plus profond de lui-même avec sa fameuse voix de fausset.

Au plus tard avec la cinquième chanson (sur vingt) on décolle, littéralement soufflé, quels que soient les préjugés que l'on a pu avoir sur le chanteur, le kitsch country ou cet assemblage hétéroclite de quelque 30 musiciens (dont Emmylou Harris). Dans la première partie du concert, le country-rock apaisé de Prairie Wind renvoie à l'enfance à la ferme, au père disparu, à sa fille sur le point de quitter la maison, à l'héritage musical («This old guitar», sur l'instrument de Hank Williams qu'il tient entre les mains, et «Four strong winds», seule reprise d'autrui). Puis viennent s'ajouter quelques classiques tirés des albums Harvest et Harvest Moon, le tout se fondant en un ensemble parfait, retour sur une vie qui a filé trop vite, soudain consciente de sa fin qui s'approche («Take a look at my life», «It's only a dream»).

Pour qui en était resté au paresseux Year of the Horse de Jim Jarmusch, avec un Young style punk irascible très «fin d'époque», le choc est immense. Puisse ce plus beau film musical depuis longtemps (l'hommage à Kurt Weill «September Songs»?) à présent connaître la distribution qu'il mérite!