«Le premier d’une série de trois volumes consacrés à L’Image du Noir dans l’art occidental [Ed. Office du livre] vient de paraître: il s’agit du tome consacré à l’Antiquité, qui comprend l’Egypte pharaonique, la Nubie, la Grèce, Rome et l’Egypte gréco-romaine, soit la période qui va du troisième millénaire av. J.-C. au Ve siècle après J.-C. […]
Jamais on n’avait réuni tant de représentations, sous des formes si diverses, de Noirs dans l’art antique. Ne serait-ce que par ce seul aspect, le volume apporte une contribution importante à nos connaissances. A cela s’ajoutent d’autres intérêts du volume: il transmet une information précieuse sur l’Afrique noire et son peuplement dans l’Antiquité, et d’autre part il nous apprend comment les Anciens ressentaient, puis exprimaient cette réalité. Pour les Egyptiens, par exemple, les Noirs étaient tantôt des voisins, tantôt des tributaires étrangers, tantôt des sujets. Les représentations de Noirs vaincus et prisonniers sont nombreuses. […]
«L’Egypte sert de lien entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient», écrit [l’égyptologue français] Jean Vercoutter [1911-2000]. Contrairement à ce que l’on pensait voici seulement cinquante ans, les Egyptiens connaissaient les Noirs d’Afrique dès 2300 av. J.-C. environ. Le pharaon Pépi II donne alors un ordre impératif à son explorateur Herkhouf: «Descends immédiatement à la Résidence et amène le nain [c’est-à-dire le Pygmée] avec toi.» La curiosité du souverain est vive. Dès cette époque, les relations de l’Egypte avec l’Afrique noire se multiplient, comme en témoignent des textes et des figurations. Par sa précision, l’art égyptien permet des analyses anthropologiques exactes, et ouvre donc la voie à des études intéressantes sur le peuplement de certaines régions d’Afrique à des époques déterminées.
C’est sans doute en Egypte que les Grecs rencontrèrent les premiers Noirs qu’il leur fut donné de voir. Il faut dire qu’à l’époque de la Crète minoenne et de Mycènes, soit au second millénaire av. J.-C. déjà, on trouve sur quelques fresques des représentations d’Africains. Par la suite, bien des images de Noirs proviennent d’Egypte, tel ce vase saisissant montrant un nègre dévoré par un crocodile. […]
L’auteur du chapitre consacré à l’époque gréco-romaine, [l’historien] Frank Snowden [1911-2007], professeur noir américain à l’Université de Howard (USA), est le meilleur spécialiste actuel des représentations de Noirs dans l’art classique. Il met bien en évidence l’attrait exercé par les Noirs sur les artistes de la période considérée, et s’inscrit en faux contre l’image raciste que les modernes tendent parfois à projeter dans l’art gréco-romain. Les Anciens n’attachaient pas à la couleur de la peau l’importance qu’on lui accorde aujourd’hui. […]
Le mérite de l’entreprise revient à la Menil Foundation, de Houston (Texas), qui a lancé et soutenu un ambitieux programme de recherche sur l’image du Noir dans l’art. Une énorme quantité de représentations a été rassemblée, puis mise en œuvre par un groupe de savants […]. Le premier tome s’ouvre sur une préface de M. Amadou-Mahtar M’Bow, directeur général de l’Unesco . N’est-ce pas l’un des principes de la grande organisation internationale de montrer que toutes les cultures sont sœurs? Les trois volumes prévus doivent «contribuer à une meilleure compréhension entre les peuples». […] »
« Les Anciens n’attachaient pas à la couleur de la peau l’importance qu’on lui accorde aujourd’hui »
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