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La 5e Symphonie de Tchaïkovski est si galbée, si trempée dans une vision absolument personnelle, qu’on en suit médusé les contours vivifiés. Et qu’on savoure la qualité de pupitres solos remarquables (clarinette, cor…) comme de chaque section instrumentale (cordes soyeuses et virulentes, bois tendres et lumineux, cuivres éclatants…).
Libéré des carcans rythmiques
Quel esprit de corps, quelle palette de couleurs et quelle clarté! La récente association des talents du «National» et de son nouveau chef promet de grandes heures. Genève s’est régalée d’une interprétation sanguine et bouillonnante, où la partition semblait libérée du carcan rythmique au profit d’harmonies et de lignes mélodiques fondues et pulsantes.
Le discours, toujours en alerte et poussé vers l’avant, nargue les dangers et libère les thèmes avec grâce. L’esprit en est français, le ton russe, et la pâte germanique. Une leçon de fusion musicale, annoncée par un Prélude d’Hänsel et Gretel de Humperdinck au cantabile sensuel et moelleux.
Une délicatesse et une virtuosité qui dépassent la raison
Du côté du soliste, c’est d’une autre grâce qu’il s’agit. Celle de la jeunesse, légère et fluide, libre et étourdissante. Il n’y a aucune insolence dans le jeu d’In Mo Yang, premier prix du Premio Paganini en 2015 et deuxième du Concours Menuhin en 2014. Mais une grande élégance, une pureté de son éblouissante, un respect du texte et un engagement de chaque instant.
A l’heure où les violonistes s’affrontent à quelques encablures de là, dans le concours qui l’a couronné il y a déjà quatre ans, In Mo Yang montre le chemin d’une génération à suivre. Que ce soit avec la Fantaisie écossaise de Max Bruch, ou la 2e Sonate d’Ysaÿe et le 1er Caprice de Paganini donnés en bis, In Mo Yang maintient l’auditeur en haleine non pas dans un jeu de bête de scène, mais par une délicatesse musicale, une virtuosité et un sens de la narration qui dépassent la raison.