Lyrique
L’opéra de Saint-Saëns ressuscité en version de concert à l’Opéra des Nations offre de belles surprises

On leur dit bravo. D’abord à Guillaume Tourniaire, qui a initié la résurrection de l’opéra de Saint-Saëns. Ensuite à l’Orchestre de la Haute Ecole de musique, qui a remarquablement suivi le chef sur les voies escarpées de la partition. Enfin à cette aventure pédagogique et historique, soutenue par des privés et des institutions que la découverte et la transmission portent. Grâce à eux tous, chœurs et solistes compris, Ascanio est promis à une nouvelle vie qu’on lui souhaite longue.
Donné en création mondiale dans sa version intégrale d’origine, le projet représente un joli défi. Musical bien sûr, puisque, après de minutieuses recherches, il remet au jour près d’une heure de passages coupés dès la première audition parisienne, en 1890. Technique aussi, puisque l’engagement instrumental et vocal se développe sur une épaisseur et une longueur imposantes. Humain encore, car il rend hommage au compositeur qui n’a jamais entendu son œuvre telle qu’il l’avait conçue, et récompense des années de désir et d’efforts pour sa reconstitution.
Variété de formes et de climats
Le résultat? Une renaissance en version de concert propre à susciter une naissance scénique. Car Ascanio contient tous les éléments narratifs, le déroulement de l’action, le terreau musical et les tensions psychologiques nécessaires à la réalisation d’une version théâtrale. Et l’ouvrage est animé par un traitement orchestral et vocal aussi sensible que puissant, bâti sur une grande expressivité et une variété de formes et de climats particulièrement suggestive.
Dans cette abondance d’éléments, Guillaume Tourniaire avance avec générosité, le corps entièrement engagé dans les mouvements de la partition. Les retrouvailles avec le chœur du Grand Théâtre rappellent quel beau travail il y réalisa par le passé. Ce n’est pas un hasard si Ascanio lui plaît tant: la masse chorale y joue un rôle central. Le chef la ramasse et la domine naturellement.
Jeunesse enthousiaste
Sur le plan orchestral, il maîtrise les élans et accompagne le cheminement entre l’opéra français, Wagner, Verdi, les références antiques et une forme de romantisme naïf. S’il reste encore du travail à réaliser sur le plan des textures sonores et de la précision, le souffle est là, tenu par une jeunesse enthousiaste (flûte solo, trompette et clarinette prometteuses).
Du côté des chanteurs solistes, tous parfaitement intelligibles en français, Jean-François Lapointe tient le haut de l’affiche avec un Benvenuto Cellini de grande tenue. A ses côtés, la brûlante Scozzone d’Eve-Maud Hubeaux, la lumineuse Colombe d’Estourville de Clémence Tilquin et la duchesse d’Etampes très lyrique de Karina Gauvin composent un beau trio féminin. On aurait préféré un Ascanio moins criard de la part de Bernard Richter qui force trop sa voix claire, face au rayonnement sombre de Jean Teitgen en François Ier et une distribution de jeunes voix encore à mûrir.