«Esterno Notte», le drame d’Aldo Moro dans son intimité
Série
AbonnéDans une série sur Arte, Marco Bellocchio revient sur ce moment des Années de plomb italiennes, l’enlèvement puis l’assassinat du leader de la Démocratie chrétienne

Il y a une allusion personnelle. Esterno Notte renvoie à Buongiorno, notte, le film que Marco Bellocchio consacrait, il y a vingt ans, à l’enlèvement du président de la Démocratie chrétienne italienne Aldo Moro, en mars 1978. Mais aussi, le titre de la série que le cinéaste a conçue pour la Rai et Arte a quelque malice, parce qu’en fait d’«extérieur nuit», le public se trouve surtout dans des intérieurs. Retraçant les jours qui ont suivi le rapt, durant ces Années de plomb italiennes où les Brigades rouges terrorisaient le pays jusqu’à assassiner la populaire figure chrétienne-démocrate, le réalisateur laisse souvent sa caméra déambuler dans les chambres et les appartements, de nuit.
L’insomnie, le somnambulisme, le trouble psychique
C’est l’une des surprises de sa série, dévoilée à l’automne au Festival de Genève. Marco Bellocchio, 83 ans, revient sur cette période traumatique de son pays, et en même temps, il semble plonger dans l’intimité de ses protagonistes. Aldo Moro est insomniaque, il n’arrive à dormir que s’il prend son petit-fils dans le lit avec son épouse, comme une suspension nocturne des générations. L’un des terroristes est somnambule, il déambule dans les couloirs sans but avant de se recoucher. La femme de l’un des ministres fait mine de dormir toute la journée.
Le cinéaste incarne le drame à travers ces personnages historiques qui semblent n’être que des apparitions diurnes, des pointes d’icebergs, presque dominés par leurs secrets nocturnes. La seule héroïne à ne former qu’un bloc, solide, est la femme du politicien enlevé, interprétée par Margherita Buy, remarquable, comme l’est Fabrizio Gifuni en Aldo Moro.
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Une férocité finale à l’égard du gouvernement d’alors
Marco Bellocchio ne fait pas de la psychologie occasionnelle. Au fil de ses épisodes, centrés sur une personnalité touchée par le drame, il raconte vraiment ce moment historique, l’implication du pape, les manœuvres et divisions du gouvernement ou du parti. Il se réserve même la fin de son feuilleton pour devenir féroce à l’égard du gouvernement Andreotti, dépeint comme n’ayant, in fine, rien fait pour sauver l’homme à qui tous devaient leur destin politique. Mais le réalisateur ajoute un soubassement intérieur et sensible à ses personnages, de l’intérieur vers l’extérieur nuit.
Une série de Marco Bellocchio et quatre scénaristes (2022), en six épisodes de 55'. A voir sur Arte.tv et l’app.