«Lorsque le Bundestag et le gouvernement fédéral déménageront des bords du Rhin à ceux de la Spree, cela aura tôt ou tard une influence sur notre image du passé. Les lignes de prolongement entre le deuxième Etat national allemand créé en 1990 et le premier fondé par Bismarck en 1871 apparaîtront plus clairement à Berlin qu'à Bonn», explique Heinrich August Winkler, professeur d'histoire à la Humboldt Universität de Berlin. Les habitants de la ville sont pourtant en majorité favorables au maintien du nom d'origine, qu'ils utilisent par habitude.
Les chauffeurs de taxi sont les plus ardents défenseurs du statu quo. «On ne pourra naturellement interdire à personne de continuer à utiliser ce nom», reconnaît Heinrich August Winkler. «Il n'est d'ailleurs pas défendu de dire place du Chancelier du Reich au lieu de Theodor-Heuss-Platz et aucune loi n'interdit de nommer Berlin capitale du Reich en lieu et place de capitale fédérale», poursuit-il avec ironie.
Pour Wolf Jobst Siedler, brillant homme de culture et éditeur à Berlin, le débat a quelque chose à voir avec le «non-rapport» de l'Allemagne avec son histoire. «Aussitôt qu'un lieu a une tradition historique, voilà qu'on veut changer son nom», maugrée-t-il. Il cite les événements dont le Reichstag a été le témoin comme s'il dressait une liste de pièces à conviction: la proclamation de la République à la fin de l'Empire, l'incendie perpétré quatre semaines après la prise de pouvoir des nazis, les drapeaux rouges plantés par les Russes lors de la prise de la ville et enfin les manifestations organisées par le maire Ernst Reuters lors du siège de Berlin. Il faut ainsi conserver le nom Reichstag «gorgé d'histoire», estime Wolf Jobst Siedler, et ne pas le remplacer par Bundestag, symbole «de la noble république rhénane».
En fait, l'idée de rebaptiser le bâtiment n'est pas nouvelle: la proposition a été faite en 1995 par Helmut Kohl. A ce jour, aucune décision n'a pourtant été prise. Celle-ci incombe au «Aeltestenrat» du Bundestag, littéralement le «conseil des anciens» du parlement allemand. L'expression prête pourtant à confusion: il ne s'agit pas d'une commission des membres les plus âgés du parlement, mais d'un conseil où sont représentés tous les partis et où sont débattues des questions d'intérêt général. Le conseil devrait trancher la question au cours de ces prochaines semaines. A côté de Bundestag et Reichstag, un troisième nom est également proposé: il s'agit de «Plenarbereich» (lieu de réunion plénière). Certaines administrations ont pourtant déjà pris l'initiative: ainsi les transports publics de Berlin ont décidé de nommer une station de bus «Bundestag», tandis que l'arrêt de métro prévu à proximité devrait s'appeler «Reichstag», comme en a décidé la commission des transports du Sénat de Berlin.
En attendant une décision finale, les travaux de rénovation sont pratiquement terminés à l'intérieur du nouveau siège du parlement. Le projet de rénovation a été mené par l'architecte Norman Foster et a coûté près de 600 millions de deutsche Mark (environ 500 millions de francs suisses). La coupole deviendra certainement l'un des points d'attraction de la nouvelle capitale. A l'intérieur de celle-ci a été construit un serpentin qui permet aux visiteurs de monter jusqu'au sommet. La vue qui se dégage du toit du Reichstag est saisissante. A l'ouest, on découvre la nouvelle Chancellerie, qui devrait être terminée à l'aube du nouveau millénaire, et au nord la porte de Brandebourg qui a l'air bien ridicule du haut de ses 40 mètres. Au centre de la coupole ont été installés des réflecteurs qui détournent la lumière à l'intérieur du bâtiment. La salle plénière, avec ses 28 000 mètres cubes est presque deux fois plus grande que celle de Bonn. Les galeries où ont été placés les sièges des spectateurs enlèvent pourtant tout effet de gigantisme.
Beaucoup de surfaces, principalement du côté des entrées, ont été vitrées. Le bâtiment, aux traits monumentaux, gagne ainsi en finesse. L'une des plus belles réussites de la rénovation est un couloir où sont révélés des graffitis inscrits par les soldats russes en 1945.