On les attendait avec inquiétude. Et les voilà. Les concerts qui fâchent ont pointé leur nez au Verbier Festival avec un lot d'importance somme toute relative dans l'économie d'une programmation qui garde un cap serré sur la qualité. Mais ces petites portions de la manifestation valaisanne ont le pouvoir de marquer les esprits. Cette année (pour l'instant), la palme revient aux pianistes Fazil Say et Lang Lang. Les deux ont depuis quelques années le vent en poupe, ils sont adulés par le public, comme les ovations de Verbier l'ont attesté. Mais gageons que l'histoire saura faire justice en ne retenant que d'infimes portions de leur existence artistique. Car le Turc et le Chinois incarnent, chacun avec sa griffe personnelle, une certaine dérive vers une musique-spectacle aussi clinquante que dépourvue de substance.

Fazil Say d'abord. Le toucher tapageur et parfois hystérique a encore une fois été l'arme de son récital de samedi soir. Les fautes de goût patentes n'ont pas manqué: une Sonate N°21 «Waldstein» de Beethoven avalée à une vitesse absurde, ce qui a laissé aphones les plages les plus méditatives de cette œuvre. Mais aussi une Rhapsody in Blue et un Summertime de Gershwin (arrangé par le pianiste) qui ont pris les allures de pièces destinées à un bar de croisière. Sans parler de ses trois compositions (le kitch-oriental «Black Earth», le quasi new age «Inside Serail» et le très anecdotique «Paganini Jazz») qui auront fini par discréditer son concert. Fazil Say ne se sera sauvé qu'à de rares reprises, avec la Sonate N°48 de Haydn très enlevée et avec les deux premiers mouvements de la Sonatine de Ravel.

De la première apparition de Lang Lang, par contre, il faudrait tout oublier. Confronté au Concerto pour piano et orchestre N°4 de Beethoven, le musicien aura étalé tous les éléments de son jeu crispant: maniérismes insoutenables et abus de rubatos dans l'«Allegro moderato», sentimentalisme mielleux dans l'«Andante con moto», virtuosité creuse dans le «Rondo vivace». Son jeu demeure celui des effets et oublie, comme toujours, la forme et le fond des œuvres.