Gandhi, figure de paix, muse des artistes

Exposition Le MICR accueille une exposition autour de la non-violence

La beauté s’allie à l’expression de la vérité

La non-violence a prouvé sa valeur morale et simplement humaine, et son efficacité dans le combat politique. Elle apparaît aujourd’hui, dans l’exposition que présente le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève, comme une source d’inspiration artistique. Importé dans une dimension légèrement réduite de la Menil Collection de Houston, cet ensemble d’une centaine d’œuvres et de documents autour de la figure charismatique de Gandhi réussit la gageure de mettre en harmonie des pièces centenaires, voire millénaires, telles que des statues bouddhiques et des gravures de Rembrandt, les grandes religions – hindouisme, islam, christianisme, bouddhisme –, des œuvres d’art moderne et contemporain signées René Magritte, Yves Klein, Agnes Martin, Robert Gober, Ai Wei Wei, des photographies prises par Walter Bosshard et Henri Cartier-Bresson, des tentures, des sculptures, des peintures et des installations. Harmonie que reflète le coloris doux et changeant des parois.

Le tout s’inscrit non seulement sous le signe de la non-violence, mais aussi sous l’angle de la vérité, selon le titre du récit autobiographique que Gandhi publia en 1927, Mes Expériences de vérité, dans lequel il posait les bases de la résistance civile. L’exigence de vérité étant peut-être ce que les artistes, les penseurs et les activistes comme Gandhi lui-même, Martin Luther King, également évoqué, Nelson Mandela ou Aung San Suu Kyi, dans l’installation de Robert Gober sur la prison comme lieu de la réflexion et des prises de décision, ont en commun. Mais en fait, qu’apprend-on au fil de cette exposition, aux abords gracieux et à l’intérêt évident? Que la beauté rime avec la bonté, que la dénonciation des injustices va de pair avec la création d’œuvres fortes et qui bousculent? Ou simplement que les grands esprits se rencontrent…

Dans la première salle, de teinte safran, les photographies de Walter Bosshard restituent la silhouette gracile et l’apparente fragilité du Mahatma, en même temps que la tension et la force émanant du personnage, tandis qu’Henri Cartier-Bresson témoigne, dans la proximité, de l’intensité du deuil tôt après son assassinat. Suivent des propositions moins personnelles, voire universalistes, comme les utopies dont Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge, fit de grands diagrammes, créations d’art brut rarement exposées du fait de leur sensibilité à la lumière; ou la peinture qu’en 1961 Yves Klein dédia à la tragédie d’Hiroshima – un espace bleu où courent des silhouettes blafardes semblables à des spectres. Plus simple et direct, René Magritte se contenta de figurer un Survivant à travers la vision d’un fusil dégouttant du sang sur un plancher par ailleurs propret.

A l’heure où des déprédations sont commises non seulement sur la personne humaine, mais aussi sur le patrimoine, dans une surenchère de mises en scène et de violence nue, Les Pieds, du Chinois Ai Wei Wei, lui-même l’objet de rétorsions dans son pays, acquiert une résonance singulière: on y reconnaît le reliquat de statues anciennes, cassées et mises à bas, dont cette pièce témoigne de l’assise et du pouvoir de résistance. «Il y a, notait Gandhi, beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir mais aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer.» La notion d’amour transparaît dans les représentations, baignées de clarté, du Christ par Rembrandt, dans la posture de la Tara verte, avatar du Bouddha dont la jambe repliée est prête à se détendre, pour que l’aide apportée par cette figure de la compassion soit plus prompte, dans de rares parchemins du Coran ou encore dans la simple plage monochrome qu’Agnes Martin a patiemment élaborée. Les films et installations vidéo, comme c’est souvent le cas, se révèlent plus explicites et engagés.

Tels A Season Outside par Amar Kanwar, qui revient sur les conséquences dramatiques de la partition dans le sous-continent indien, et les films d’animation de William Kentridge dédiés à la ville de Johannesburg. Au fusain et au pastel, l’image ne cesse de se métamorphoser et suscite des contrastes troublants. Au MICR, l’exposition occupe les nouvelles salles inaugurées en 2014, lumineuses, pratiques et agréables. Un environnement confortable, où se détachent les figures de ces ascètes du XXe siècle que furent Gandhi ou Martin Luther King, auxquels fait écho cette Tête d’un ascète, sculpture en grès qui remonte à la dynastie Candella, au XIe siècle en Inde.

Expériences de vérité: Gandhi et l’art de la non-violence. Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (av. de la Paix 17, Genève, tél. 022 748 95 11). Ma-di 10-18h. Jusqu’au 3 janvier.

Le tout s’inscrit non seulement sous le signe de la non-violence, mais aussi sous l’angle de la vérité