Deux acteurs pour sept personnages et une histoire maligne qui raconte comment une jolie aubergiste guérit un chevalier prétentieux de sa muflerie à l’égard des femmes. Dirigée par Georges Guerreiro lors de sa création au Théâtre Crève-Coeur, en 2012, et reprise ici par Robert Sandoz, l’opération commando permet à Brigitte Rosset et à Christian Scheidt de montrer toute l’ampleur de leur talent. Tantôt ils sont eux-mêmes acteurs confrontés à la difficulté de résumer à deux cette pièce aux nombreux rôles et rebondissements. Tantôt ils interprètent les marquis, les comédiennes, Fabrice le valet et, surtout, le couple phare, l’aubergiste enjôleuse et le chevalier mal léché. Et là, miracle: parce que leur esprit est agile, on passe du rire au serrement de gorge.
Le rire, c’est incontestablement quand les petits marquis se disputent les faveurs de Mirandoline ou quand Christian Scheidt montre au public, qui suit une véritable leçon de théâtre, comment on «tire une ambiance» en sortant du plateau dans un silence pensé. Le rire, c’est aussi lorsque Brigitte Rosset tente désespérément de raconter le prologue de la pièce, alors que son collègue de plateau part dans une description rocambolesque en italien des vertus culinaires de la Péninsule… Ces moments, al dente, donnent du relief au texte initial.
Honte à celui qui craint l'amour!
Mais tout n’est pas liesse dans cette synthèse mutine de la pièce. Par moments, les comédiens mettent pour de bon les masques de la logeuse et du chevalier et jouent le trouble amoureux sous la provocation bravache. Subitement, le silence se fait dans la salle et on est surpris de se sentir émus par la naissance d’un amour puissant. L’instant est d’autant plus beau qu’il ne dure pas. Très vite, la machine du rire reprend ses droits. En marge de la farce, on se souvient avec émotion de cette critique sévère de qui craint l’amour et n’ose pas l’aveu. Très fort!
La Locandiera (Quasi comme), jusqu'au 26 août, Troinex, Genève.