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A Genève, le festival Black Movie braque ses projecteurs sur le cinéma coréen

Dès demain et jusqu'au 27 février, la manifestation genevoise se lance dans un passionnant «Parcours coréen» qui révèlera au moins deux auteurs majeurs: Hong Sang-soo et Park Chan-wook. Mais le survol va aussi du documentaire engagé au dessin animé

Les festivals s'en font l'écho depuis une décennie et Les Cahiers du cinéma viennent de le confirmer par un dossier (numéro de janvier) coïncidant avec une rétrospective de 50 films à la Cinémathèque française: le cinéma de Corée du Sud est l'un des plus dynamiques et passionnants du moment. Pourquoi s'y intéresser? Parce que, à l'image de l'économie (mais avec une autre logique, on l'espère), le cinéma est lui aussi en voie de globalisation. Alors que, en 1989, Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l'Orient? de Bae Yong-kyun pouvait encore faire figure d'ovni isolé, les récents succès d'Ivre de femmes et de peintures d'Im Kwon-taek et de Printemps, été, automne, hiver et printemps de Kim Ki-duk s'inscrivent dans un contexte radicalement changé. Entretemps, le cinéma coréen est devenu une valeur sûre dont Black Movie propose d'explorer plus avant la diversité.

Dans tous les domaines, le cinéma coréen montre les dents: films d'auteur, de genres populaires, documentaires ou dessins animés. Miracle ou modèle? On s'en serait douté, le phénomène n'a rien de spontané et s'inscrit dans un contexte économique, historique, géographique et artistique qu'il serait sans doute vain d'espérer reproduire. Outre la fin de la dictature militaire en 1987, un autre facteur d'essor aura été le récent durcissement des quotas favorisant la production nationale. Les films hollywoodiens qui occupaient les écrans ont ainsi à nouveau fait place à des films locaux, au succès et de qualité croissants. Ajoutez à cela des profits qui ont attiré les gros investisseurs, des subsides aux films «d'intérêt culturel» et une cloison plus étanche qu'ailleurs entre cinéma, télévision et vidéo, et vous tenez les clés du phénomène. Sans oublier la réforme en 1999 du centre national du cinéma (le Korean Film Council, ex-KMPPC) et la création du festival panasiatique de Pusan en 1996, lequel a vite déclassé ceux de Hong-Kong et de Tokyo comme rendez-vous incontournable de ce coin du globe.

Avec une production d'environ 70 longs métrages par an, la gamme du cinéma coréen va du blockbuster (films d'action et comédies) pouvant dépasser les 10 millions d'entrées au film d'auteur dont la moyenne avoisinerait plutôt les 10 000 entrées mais qui, lui, commence à s'exporter. Derrière le «roi» Im Kwon-taek (68 ans et 99 films, dont seulement la moitié revendiqués), les découvertes cinéphiliques se bousculent. C'est qu'il y a déjà un certain retard à rattraper! Ainsi Black Movie permettra-t-il de faire le point sur Park Chan-wook (lire ci-dessous) et surtout Hong Sang-soo, dernière coqueluche de la critique française dont le festival programme, au Bio 72 de Carouge, les cinq films réalisés à ce jour (Le Jour où le cochon est tombé dans le puits, Le Pouvoir de la province de Kwangwon, La Vierge mise à nu par ses prétendants, Turning Gate et La Femme est l'avenir de l'homme). Alors que le premier s'illustre dans le thriller stylisé, le second fait plutôt dans l'intimisme post-nouvelle vague, avec une tonalité désenchantée qui n'appartient qu'à lui.

On pourra également découvrir le formidable thriller Memories of Murder de Bong Joo-ho et le dessin animé Oseam, le temple des cinq ans de Sung Baek-yeop (Grand prix du Festival d'Annecy 2004). L'autre grande découverte de Black Movie relève cependant du genre documentaire. Il s'agit de films tous réalisés par des femmes. Au programme, combat d'employés contre la précarisation (Friends or Foe de Lee Ji-young, We Are Workers or Not? de Kim Mi-re), dures conditions de vie des immigrés (It Goes On de Joo Hyun-sook), discrimination sexuelle endémique (Life Goes On de Ryu Mi-rye) et réhabilitation tardive des résistants à la dictature (What Do People Live For de Lee Kyung-Soon). Bref, tout un cinéma de résistance politique, produit et diffusé avec les moyens du bord, qui révèle l'envers du décor du «miracle coréen».

Black Movie – Festival de films des autres mondes.

Du 18 au 27 février. Maison des Arts du Grütli, 16, rue Général-Dufour, Genève, et cinémas Spoutnik, Les Scala et Bio 72. Rens: 022/320 85 27. http://www.blackmovie.ch/ et http://www.koreanfilm.or.kr/