Né à Arco en 1858, Giovanni Segantini déménage à Milan après le décès de sa mère. Son père le confie à une tante avant de disparaître. Laissé à lui-même, le gamin s’ennuie, s’enfuit. Il se joint aux bandes de petits crève-la-faim qui hantent les rues de la capitale. A 12 ans, il est attrapé et bouclé dans une maison de correction. C’est là qu’il touche pour la première fois un crayon. Presque aussitôt, il donne la preuve de son talent exceptionnel en faisant le portrait d’une petite fille décédée.

Porté par un élan créateur tout puissant et l’amour de sa femme, Bice, il se lance à corps perdu dans un projet artistique rayonnant de lumière. Il crée, la plupart du temps en plein air, des œuvres monumentales d’inspiration postimpressionniste représentant des paysages de haute montagne et des scènes de la vie rurales relevées de touches symbolistes. Tout au long de sa vie, il n’a cessé de grimper toujours plus haut à la recherche de la lumière. Il est mort à 41 ans dans un refuge alpin de l’Engadine, à 2700 m d’altitude, d’une péritonite.

Déserteur et apatride

Dans Giovanni Segantini – Magie de la lumière, Christian Labhart (Yasin will leben, Appassionata) esquisse l’enfance et la jeunesse difficiles du peintre, nous entraîne dans ses tourments intérieurs et ses crises d’inspiration à travers une grammaire cinématographique élémentaire mais efficace: des plans fixes sur les toiles, des recensements topographiques contemporains, «Erbarme dich, mein Gott», de Bach, pour l’élévation spirituelle de l’artiste. Bruno Ganz lit les mots écrits par Segantini dans la version allemande, Jean-Luc Bideau dans la version française.

Des esprits faibles décrient Segantini parce que Blocher l’apprécient. Ils font une erreur de perspective: Segantini n’est pas un peintre blochérien, mais Blocher est sensible à sa peinture. En revanche, il n’est pas sûr que le leader UDC eût apprécié l’homme, ce grand escogriffe au poil dru, anarchiste, marginal, sans-papiers, déserteur et apatride… «L’art et l’amour triomphent du temps», est-il gravé sur la tombe de l’artiste.

Giovanni Segantini – Magie de la lumière, de Christian Labhart (Suisse, 2015), 1h22.