Cette année, on ne passera pas devant le Grand Hôtel de Locarno et ses jardins, tout près de la gare, sans un pincement au cœur. Pas tant pour les 83 chambres qui disparaissent avec sa fermeture que pour ses salons si accueillants et, surtout, le symbole: une page se tourne sur les 60 premières années du festival. L'avenir du glorieux bâtiment, aujourd'hui bien décati, est quant à lui toujours incertain: entre le classement définitif, la démolition, la transformation et une hypothétique reprise, tous les scénarios sont encore possibles.

Ce scandale - car c'en est un - n'est évidemment pas sans lien avec la plus vaste débâcle hôtelière locarnaise, qui touche en fait surtout la commune adjacente de Muralto. En cinq ans, celle-ci a vu sa capacité d'hébergement réduite de près de moitié (650 lits sur 1450). Les hôtels Verbano, Zurigo, Muralto, Stazione, Beau-Rivage et Reber au Lac ont ainsi déjà disparu, victimes d'une spéculation immobilière effrénée, qui favorise leur transformation en appartements de luxe, avec vue sur le lac. Plus personne ne veut investir dans l'hôtellerie, nettement moins rentable, et même les banques rechignent à accorder des prêts pour rénovations. De là à craindre une inexorable détérioration du parc hôtelier restant, il n'y a qu'un pas.

Cette situation n'est pas sans inquiéter la direction du festival, qui peine à loger tous ses visiteurs. D'où l'idée de mieux intégrer Ascona, à 15 minutes de l'autre côté de la rivière Maggia, aux festivités. Les invités de marque ne sont-ils pas déjà tous logés dans les cinq-étoiles de la plus proprette bourgade touristique? Premier acte prévu pour cette année: l'instauration d'un service de navettes régulier jusque tard dans la nuit, le déplacement de deux «cubes» pour projections vidéo ainsi que de l'essentiel de la section Open Doors (coup de pouce aux cinémas du Sud-Est asiatique) à l'Otello, la seule salle locale.

Cet enjeu des infrastructures, situation des salles comprise, est de taille et pourrait même devenir LE dossier brûlant des années à venir. Il faut espérer que les édiles locaux sauront s'en soucier avant qu'il ne soit trop tard, transformant une manifestation populaire en rendez-vous pour happy few fortunés.