Grain de beauté. Par Laurent Wolf
Le musée des beaux-arts de Rio de Janeiro présente une exposition sur l
Le musée des beaux-arts de Rio de Janeiro présente une exposition sur l'art espagnol du début du XVIIe siècle, à l'époque où le roi d'Espagne était aussi roi du Portugal. Le Brésil était convoité par les Pays-Bas. Cette guerre coloniale s'est achevée par le retrait des Hollandais. L'exposition propose quelques chefs-d'œuvre: des El Greco, des Velasquez, un magnifique portrait signé Van Dyck, un Zurbarán, un Ribera… Une dizaine, pas plus. Parmi des images qui n'ont d'autre pouvoir que celui de rendre compte de l'histoire.
Il fut un temps où tous les artistes n'étaient heureusement pas soumis à l'obligation du grand art. Une époque où la peinture, le dessin, la gravure servaient d'abord à transmettre les informations et les symboles du pouvoir. Le portrait du roi en répercutait l'image, et la présence, aux quatre coins du royaume. Les paysages relataient les voyages. Chaque église avait ses saints, ses vierges, ses chemins de croix. Chaque armée, outre ses soldats, ses canons et ses chevaux, emmenait ses dessinateurs. Les murs des demeures étaient couverts de ce qui remplit nos albums de photos et nos vidéos de famille.
Y a-t-il une différence visible entre les œuvres des grands maîtres et tout cet art utilitaire? Les chefs-d'œuvre aussi sont utilitaires. Ils ne se distinguent ni par leur genre, ni par leur sujet. Un portrait est un portrait, qu'il soit du roi d'Espagne ou du vice-commandant de la garde. Un Velasquez ne ressemble qu'à lui-même, que ce soit un portrait, un tableau d'autel ou une tête de chevreuil. Quelle est donc la différence entre un tableau de Velasquez et un portrait d'atelier, une copie, un travail d'apprenti? A une époque où tous les artistes sont soumis à l'obligation du grand art, on ose à peine dire que cette différence est chez Velasquez lui-même.
Dans l'exposition de Rio, avec ses tableaux, grands ou petits, tous mis en scène comme des œuvres de génie, la différence saute aux yeux. On voit que le pinceau du géant vole sur la toile, va directement au fait, alors que celui des élèves et des artisans détaille toutes les étapes qui vont de l'intention à la réalisation.