Réunion de direction aujourd’hui, avec le directeur (par définition), deux représentants des ressources humaines, un délégué du département légal ainsi que le responsable de la logistique. La question du jour est d’importance; 200 Pères Noël en chocolat de tailles diverses ont été livrés: il s’agit de les distribuer aux employés de la filiale. L’objectif de la réunion est simple: déterminer à qui reviennent les grands, les moyens et les petits Pères Noël.

«Eh bien, je crois qu’on ne va pas tergiverser pendant trois heures, commence Jeff, le patron. Les plus grands pour les chefs, les moyens pour les cadres intermédiaires et les petits pour tous ceux qui se situent en dessous.»

Silence, bras croisés chez certains. Les cours de langage corporel financés récemment par l’entreprise rappellent à Lynn, fine psychologue, que cette posture reflète un refus, ou du moins un certain scepticisme. «Si je puis me permettre, et je pense parler au nom des autres ici présents, je ne pense pas qu’il s’agisse là de la façon la plus judicieuse de distribuer ces cadeaux, ose-t-elle. Il serait plus approprié de récompenser les personnes se situant au bas de l’échelle avec les plus grands Pères Noël. Une façon élégante et peu coûteuse de motiver ceux qui font le travail au quotidien, en quelque sorte.»

«Je ne suis pas entièrement d’accord avec toi, intervient Bill. A mon avis, les cadres intermédiaires méritent cet honneur. Ce sont eux qui subissent le plus de pression, à la fois de la part de leurs subordonnés et de leurs chefs. Un peu comme dans le monde des singes, j’avais vu un reportage là-dessus.»

«Alors, tirons au sort», propose encore Lynn avec créativité.

«Ce n’est pas une tombola, ici. Que va-t-on penser? Si vous aviez, il y a six mois, suivi mon conseil de commander des sapins en chocolat identiques en taille, nous ne serions pas ici en train de débattre au sujet de Pères Noël et de singes», s’irrite Jean-Charles-Henri, le juriste.

«Personne n’a jamais entendu parler de sapins en chocolat. Il aurait été incongru d’offrir un cadeau si atypique», souffle Aimé, le logisticien.

«Bien. Je constate non sans déception que nous ne parvenons pas à un accord, conclut Jeff. Ma proposition me paraissait raisonnable, mais je ne m’attendais pas à tant de cupidité de la part de nos employés. Je décide donc qu’il n’y aura de chocolat pour personne. A la poubelle. Un e-mail avec des vœux de ma part suffira pour ces ingrats. Les singes de Bill auraient été plus reconnaissants.»

* Employé d’une multinationale