Homosexualité, cachère ou pas cachère?

Attention, film à sujet! Quand le boucher d’une communauté juive orthodoxe de Jérusalem, brave père de famille à ses heures, craque pour un jeune étudiant talmudique, sa foi et la tolérance de ses proches sont mis à rude épreuve. Révélé à Cannes dans la section Un Certain Regard (l’antichambre de la compétition), le premier opus de Haïm Tabakman (34 ans) brille pourtant par son absence de complaisance et de provocation. Au contraire, on est vite conquis par sa rigueur formelle et sa profonde l’humanité.

Mais d’où sort donc cette nouvelle vague de films israéliens, si libre et riche de promesses malgré un climat politique et social délétère? Même confiné dans ce cadre délibérément restreint, Tu n’aimeras point n’est pas le moindre de ses représentants.

«Brokeback Mountain» juif

On y trouve, en sourdine, cette même volonté de secouer le cocotier qui anime les films d’Eytan Fox (Yossi & Jagger, The Bubble) ou de Keren Yedaya (Mon Trésor, Jaffa), La Visite de la fanfare aussi bien que Valse avec Bashir. Sans oublier le père spirituel Amos Gitaï.

Dans ce film faussement tranquille, chaque parole compte double, chaque regard est significatif. Car entre le trentenaire Aaron et le plus jeune Ezri, rien ne saurait être évident au-delà de l’attraction. Symboliquement, le récit se déroule après la mort du père d’Aaron, ce dernier hébergeant Ezri au-dessus de la boutique paternelle. Et en miroir de sa «tentation» se joue le drame d’une jeune voisine qui, elle, se rebelle contre un mariage arrangé. Il en découle un film beaucoup plus universel qu’on aurait pu le penser de prime abord, ni trop austère ni trop gay. Un film qui dit bien l’inévitable dualité humaine et l’horreur de l’intolérance. Jusqu’à un plan final d’une magnifique ambiguïté.

Tu n’aimeras point (Einaym Pkuhot/Eyes Wide Open), de Haïm Tabakman (Israël/Allemagne/France 2009), avec Zohar Strauss, Ran Danker, Tinkerbell, Tzahi Grad. 1h31.