J’adore les animaux, vraiment. Je suis de ceux qui répugnent même à écraser moustiques et mites alimentaires. Cette affiche, récemment croisée dans les rues de Genève, me laisse pourtant de marbre. Peut-être parce que cette veste évoque le modèle bon marché, passe-partout et synthétique d’une grande chaîne de distribution, davantage que l’univers luxueux de la véritable fourrure. Même pas mal, c’est du faux.
Ou parce que je ne fais pas un lien immédiat entre un col poilu et la souffrance animale, comme je ne le fais pas entre un nugget et un élevage de poules en batterie. Foutues œillères, penserez-vous – je précise à ce stade que je ne porte pas de fourrure et ne mange pas de nuggets.
Alors? Faut-il mettre en scène un renardeau scalpé pour heurter les consciences? Un mammifère ensanglanté suffirait-il à convaincre les dames à vison qu’elles doivent remiser leur manteau? C’est la difficulté des campagnes de sensibilisation, quel que soit le sujet. Trop en montrer peut susciter le dégoût du passant, qui tournera les yeux plutôt que d’affronter la réalité et de lire le slogan. Rester dans la suggestion ne sert à rien. Le public, de toute façon, est plus ou moins réfractaire au message. Les fumeurs savent que leurs poumons vont devenir noirs et leurs dents jaunes; plaquer une horrible photo sur leurs paquets de cigarettes n’entame en rien leur volonté. Les amateurs de fourrure, eux, sont conscients qu’il y a un animal bien vivant derrière leur tenue, c’est même ce qui leur plaît. Quant aux accusations de tortures, qui pourraient faire mouche, ils les mettront facilement sur le compte d’un excès de leurs adversaires, invariablement jugés comme des radicaux. Alors?