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Inédits, intégrales, rééditions

Deux ans durant, l'industrie du disque s'en donnera à cœur joie pour exhumer perles et inédits armstrongiens

On ne naît pas impunément un 4 juillet 1900 quand on est citoyen américain et, de surcroît, figure emblématique d'un art. Le symbole était trop beau, les chercheurs n'en ont pas voulu. Ils lui ont substitué la date plus prosaïque du 4 août 1901, sur la base d'un certificat de baptême à peu près fiable. Le centenaire Armstrong durera donc deux ans, c'est bien fait pour les démystificateurs.

Deux ans au cours desquels l'industrie du disque s'en donnera à cœur joie pour exhumer perles et inédits. Sur le modèle souhaitable de I've Got The World On A String/Louis Under The Stars (Verve/Universal) où alternates, répétitions et discussions de studio enrichissent d'émouvante façon les albums originaux. Répertoire inhabituel mais intelligent, environnement haut de gamme (cuivres rutilants, violons aux sanglots longs), c'est un peu Armstrong en visite chez Sinatra. La qualité de la prise de son permet d'apprécier comme rarement les cavernismes du vocaliste: en-tre la plongée spéléologique et la visite des grot-tes de Lascaux. Peu de trompette et quelques défaillances techniques: Armstrong est souffrant au moment de l'enregistrement.

Cinq ans plus tard, Olympia 1962 (Trema/ Disques Office) le restitue en grande forme: c'est la face publique au sein de All Stars toujours plus fades que n'a pas encore désertés Billy Kyle, pianiste au toucher cristallin dont Bud Powell a fait l'éloge et que le preneur de son semble avoir à la bonne.

C'est à peu près tout pour les inédits officiels. On pointera encore dans les bacs des disquaires quelques incontournables de ces années d'après-guerre: Plays W.C. Handy, peut-être le plus indispensable (Sony), Ella & Louis (Verve/Universal), The Great Summit avec Ellington (Roulette/EMI). Et, pour l'émotion, And His Friends (RCA/ BMG), ultime séance pour laquelle un impressionnant parterre d'invités avait fait le déplacement. Y compris Miles Davis, qui s'y fend aux côtés de Satchmo d'un de ses très rares sourires.

Deux intégrales concurrentes se partagent l'avant-1947, soit la part la plus savoureuse du gâteau. Classics (Disques Office), la plus expéditive, en est à son 16e volume et couvre les années 1925-1947. Beaucoup plus fouillée mais plus lente dans son rythme de parution, Masters Of Jazz (Disques Office) balise, avec 8 volumes parus, la tranche 1923-1926. Un travail de bénédictin signé Irakli de Davrichewy, grand armstrongologue devant l'Eternel qui ajoute à ses commentaires, sous forme de graphique, l'analyse structurelle de chaque solo du maître!

Les antiboulimiques trouveront dans les deux coffrets The Quintessence (Frémeaux vol. 1 et 2/Plainisphare) un somptueux survol de la période. Enfin Patrice Caratini s'est livré dans son Darling Nellie Gray (Label Bleu/RecRec) à un brillant exercice dit de «variations sur la musique de Louis Armstrong»: de quoi s'assurer que l'œuvre de Satchmo se prête aux relectures les plus contemporaines.