En 1954, Richard Matheson truffe de quelques balivernes scientifiques un bref roman dans lequel le dernier humain vivant sur terre affronte chaque nuit des hordes de vampires. Cette hypothèse candide marque les esprits puisque Je suis une légende inspire encore régulièrement le cinéma, comme en témoignent 28 Jours plus tard de Danny Boyle, Warm Bodies de Jonathan Levine, I Am Legend avec Will Smith et maintenant World War Z , une superproduction 3D célébrant la gloire de Brad Pitt en touillant les fantasmes apocalyptiques.

Le générique commence par aligner les signes annonciateurs, grippe aviaire, cétacés échoués, mort des abeilles. Et soudain, c’est la crise mondiale: un virus transforme les êtres humains en zombies, à la morsure forcément contagieuse. L’état-major américain contre-attaque. Son héros sera Gerry Lane (Brad Pitt), un caïd de l’ONU. Il s’est retiré pour s’occuper de sa famille modèle, une femme aimante, deux fillettes adorables, concentrant les clichés de l’american way of life hollywoodien: crêpes au petit déjeuner, anniversaire imminent, envie d’un petit chien. Malheureusement, l’ordre mondial s’effondre.

Le virus vient d’Asie

Comme Steven Soderbergh dans Contagion, World War Z situe l’origine du mal dans l’Asie mystérieuse: en Corée du Sud, cette terre hostile produisant des smartphones exagérément concurrentiels. Après quelques escarmouches nocturnes et pluvieuses, Gerry file à Jérusalem, une des rares villes du monde épargnée, grâce au mur qui la ceint. Tiens? La barrière de séparation israélienne aurait-elle trouvé une utilité? Hélas! Elle n’est pas assez haute!

Gerry doit le salut à son sang-froid. Il détourne un avion russe vers le pays de Galles, se sort indemne d’un crash à proximité du labo de la dernière chance. Il comprend que les hordes ennemies ont besoin de corps sains pour propager la zombite aiguë. Pour leur échapper, suffit donc de s’inoculer le bacille de la peste ou du «tafu». Première bataille remportée dans la guerre contre les zombies, cette pure métaphore de l’Autre.

Marc Forster n’est pas le meilleur cinéaste suisse, mais le seul qui travaille à plein temps à Hollywood, alternant les genres, de la comédie métaphysique (Stranger Than Fiction) à la biographie fantasmatique (Finding Neverland), du film à thèse (Monster’s Ball) au James Bond (Quantum of Solace). Il a mis son savoir-faire au service de Brad Pitt. Le tournage a été houleux, la presse a fait l’écho de sévères désaccords entre la star, par ailleurs producteur, et son réalisateur. Le démarrage triomphal du produit aux Etats-Unis les a réconciliés. Une suite est d’ores et déjà annoncée. Elle promet de nouveaux exemples de vaillance américaine à défaut d’un peu d’intelligence.

U World War Z, de Marc Forster (Etats-Unis, Malte, 2013), avec Brad Pitt, Daniella Kertesz, 1h56.