Jean Tschumi, architecte d'envergure
EXPOSITION
Vernissage en présence de son fils, l'architecte Bernard Tschumi, très ému.
Peu de bâtiments modernes autant que ceux de Jean Tschumi (1904-1962) marquent de leur présence l'espace urbain vaudois. Parmi la production de ses contemporains souvent indifférenciée et morne, son architecture se dresse, élégante mais sans ostentation, ferme et d'une netteté absolue. Ses œuvres inventives et courageuses résistent avec vigueur au temps. Il suffit d'en énumérer quelques-unes: le siège de Nestlé à Vevey; le silo à grain en bordure des voies de chemin de fer à Renens; à Lausanne, les immeubles de la Vaudoise Assurance et d'André & Cie, ainsi que l'aula de l'Ecole polytechnique de l'Université de Lausanne (EPUL), devenue plus tard fédérale.
Or voici que sous le titre «Jean Tschumi, architecture échelle grandeur», une exposition réalisée par les Archives de la construction moderne (ACM) lui est consacrée à l'espace Archizoom, sur le site de l'EPFL, accompagnée d'un catalogue fouillé. Après une plongée dans les quelque 4400 dessins de Jean Tschumi confiés par sa famille aux ACM, l'auteur, Jacques Gubler, historien de l'architecture, procède à une analyse approfondie des thèmes architecturaux qu'il décèle, tels qu'ils rejoignent l'histoire et la théorie de l'architecture moderne.
«Il est apparu que cette question primordiale et obsédante de l'échelle constituait l'un des thèmes centraux de l'œuvre» explique l'auteur qui déroule le fil d'une carrière d'abord préparée aux Beaux-Arts de Paris, dans l'atelier Pontremoli et «dans le champ des Arts déco». Fils d'un menuisier d'origine bernoise, Jean Tschumi gagne sa vie en dessinant des meubles. Chez l'ensemblier Emile-Jacques Ruhlmann, il apprend la minutieuse «leçon du timbre-poste». Cette méthode qui permet de pousser l'analyse architecturale au plus loin, il l'appliquera du projet de mobilier au cadre de la ville, balançant tout au long de sa vie professionnelle «entre la miniature et l'épure à l'échelle 1:1». Exposés avec grande clarté, ses dessins vifs et précis, porteurs du parfum des ateliers d'autrefois, sont complétés par des documentaires filmés sur ses grands chantiers vaudois.
Travaux, concours, prix valent à Jean Tschumi une reconnaissance internationale. En 1943, il a créé l'Ecole d'architecture et d'urbanisme de l'Université de Lausanne où il a enseigné jusqu'en 1961. Sa rencontre avec Edouard-Marcel Sandoz, sculpteur, entrepreneur et mécène, a fait de lui un constructeur rompu à la «corporate architecture» (architecture d'entreprise). Il bâtit pour Nestlé à Orléans, à Paris, à Vevey. Lorsque la mort brusquement l'emporte, plusieurs de ses projets sont abandonnés. Tragiquement, il aura, somme toute, peu construit. L'exposition et son catalogue rendent justice à cet architecte pragmatique qui sut, en une époque catégorique, transcender l'opposition entre l'orientation beaux-arts et la modernité.
«Jean Tschumi, architecture échelle grandeur». Ecublens, Archizoom, EPFL bâtiment SG. Lu-ve 9h-18h, sa 10h-17h; jusqu'au 24 oct. http://archizoom.epfl.ch«Jean Tschumi, architecture échelle grandeur» de Jacques Gubler, coll. Archives de la construction moderne, PPUR