La nouvelle est venue de Manchester le 26 mai: les collections Jean-Jacques Rousseau de Genève et Neuchâtel ont été inscrites sur le registre «Mémoire du monde» de l’Unesco. Quatre institutions ont mis leurs efforts en commun pour décrocher ce label: la Bibliothèque de Genève, la Bibliothèque universitaire de Neuchâtel, la Société Jean-Jacques Rousseau de Genève et l’Association Jean-Jacques Rousseau de Neuchâtel.

Le registre Mémoire du monde, créé en 1992, est le pendant documentaire du Patrimoine mondial de l’Unesco, qui a vu le jour, lui, en 1972 et qui concerne les monuments et les sites naturels. L’état de préservation souvent alarmant du patrimoine documentaire et son accessibilité difficile pour le public sont à l’origine de la création de Mémoire du monde. Les deux critères essentiels pour l’inscription de collections sont l’intérêt international et la valeur universelle d’exception. La candidature suisse pouvait avancer l’impact et le rayonnement des théories politiques et pédagogiques de l’auteur du Contrat social et de l’Emile. L’écriture introspective des Confessions et des Dialogues ont nourri la psychologie et la psychanalyse.

Les collections Jean-Jacques Rousseau constituaient la première candidature suisse auprès de ce registre. A Manchester, du 21 au 25 mai, le Comité consultatif international «Mémoire du monde» a inscrit 45 nouvelles collections, portant à 238 leur nombre total.

Comme l’a expliqué Sami Kanaan, conseiller administratif en charge de la Culture et des sports à la Ville de Genève, lors de la conférence de presse vendredi, «cette inscription est avant tout un label qui engendre des obligations en termes de préservation et d’accessibilité des collections et peu de droits.» Et en tout cas pas de soutien financier.

Le magistrat ainsi que les partenaires genevois se réjouissent aussi du bon moment auquel tombe cette reconnaissance internationale. Soit un peu plus de six mois à peine avant le début des festivités qui marqueront le tricentenaire de la naissance du philosophe, le 28 juin 1712 à Genève. «2012 Rousseau pour tous», piloté par la Ville de Genève, comprendra, dès janvier 2012 et durant toute l’année, des films, des promenades à thème, un opéra, des concerts, des colloques, des publications, la rénovation de l’île Rousseau, etc., etc. ( www.ville-ge.ch/culture/rousseau)

«Cette consécration des collections Rousseau est un excellent prologue à l’année 2012. Le pôle académique ne sera qu’un aspect des célébrations mais il en constitue le pilier», précise Joëlle Oudard, coordinatrice de la manifestation.

De quoi sont constituées ces collections Jean-Jacques Rousseau? A Genève comme à Neuchâtel, d’ailleurs, ce sont des amis proches du philosophe qui ont commencé à réunir ces manuscrits et premiers imprimés du vivant du philosophe déjà. A Genève, il s’agit avant tout de Paul Moutou, ami et éditeur de Rousseau, et à Neuchâtel (où l’écrivain s’établit de 1762 à 1765 après avoir été chassé de France suite à la condamnation de l’Emile), c’est Pierre-Alexandre DuPeyrou qui sera l’ami archiviste.

Sont ainsi conservés à la Bibliothèque de Genève les manuscrits des Confessions, du Contrat social, de la Profession de foi du Vicaire savoyard et de l’Oraison funèbre du duc d’Orléans. D’autres legs amèneront un manuscrit de l’Emile. Des premières éditions rares ainsi que des copies pirates tout aussi exceptionnelles complètent la collection. A cela s’ajoute un fonds iconographique riche de 1300 pièces, dont le masque mortuaire réalisé par le sculpteur Houdon.

A Neuchâtel, on trouve les manuscrits des Rêveries d’un promeneur solitaire ainsi que Le Lévite d’Ephraïm, Pygmalion , et de nombreux brouillons qui permettent de suivre les techniques d’élaboration du philosophe et beaucoup de lettres. La Bibliothèque universitaire de la ville possède également 500 imprimés du XVIIIe siècle et plusieurs centaines d’estampes.