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Jérôme Charyn. L'homme qui rajeunissait

Jérôme Charyn. L'homme qui rajeunissait. Trad. d'Anne Rabinovitch.

Jérôme Charyn. L'homme qui rajeunissait. Trad. d'Anne Rabinovitch. Gallimard, coll. Folio, 240 p.

A ceux qui se sont émus de voir Jerome Charyn mettre un terme à ses souvenirs d'enfance avec Bronx Boy (Gallimard), L'homme qui rajeunissait devrait offrir une consolation et aussi une petite cure de jouvence: il s'agit six nouvelles de jeunesse, écrites entre 1963 et 1967, qui prennent pour décor cette «terre natale» du Bronx où «Bébé» Charyn a grandi.

Au début du recueil, sur la carte dressée par Lippy, à la mesure de son imagination enfantine, figure un immense espace, plus grand que Manhattan, comprenant le quartier judéo-polonais de Crotona Park; le club d'haltérophilie où s'entraîne Imberman, gardien d'immeuble et poète; l'école hébraïque dans laquelle enseigne Schwartzie, le vieux «rebbe» souffreteux; le théâtre de Henry Street, un music-hall yiddish délabré qui s'effondrera le soir de la première de Shaindele, la Molly Picon de l'East Broadway; les territoires des bandes ethniques, des «négros» de Big Daddy, des Crapanzano, des Lipkovitz (Benny et Lippy), des Irlandais de Clay Avenue et de Claremont Park…

Tout un monde de pauvreté et de misère, peuplé de mères déboussolées, de poètes sans éditeur, comme Misha, le «Lermontov yiddish», victime de la mode latino; de vieillards braillards prêts à jouer du couteau pour imposer leurs vues sur Hitler, Roosevelt ou l'oncle Joe… Et surtout de gamins un peu paumés, souvent orphelins de père («C'est les Japs qui l'ont tué. – Il a obtenu une médaille de guerre? – Non, il a rien fait d'important. Il a juste été tué.»), qui se bricolent une existence à coups de poing, d'injures, de trafics en tout genre – cigares, bas de soie, bubble-gum, cartes de rationnement. Tendres, drôles, douces-amères, émouvantes, ces nouvelles dessinent un petit monde disparu et laissent entrevoir, surtout, l'œuvre à venir d'un Bronx Boy définitivement attachant.