Jérôme Savary: «J’improvise beaucoup»
Opéra
Comment le metteur en scène français travaillea vec les chanteurs et les comédiens
Le Temps: Que signifie pour vous cette plongée dans «L’Etoile»?
Jérôme Savary: Pour moi, ce spectacle est un retour aux sources. Hugues Gall a été mon parrain artistique à l’opéra. Dans les années 1970, je dirigeais le Magic Circus, j’étais sans cesse fauché. Il me commandait un spectacle par an au Grand Théâtre. Tobias Richter, nouveau directeur, est dans l’esprit de Hugues. Il veut ramener le divertissement, le rire à l’opéra parce que la moitié du répertoire lyrique est un répertoire comique.
– Vous ne vous usez pas à la veine comique? – C’est beaucoup plus difficile de réussir une opérette ou un opéra-bouffe qu’un opéra sérieux. Dans l’opéra sérieux, pour autant que vous ayez une bonne distribution, c’est le chant qui mène le tout. Les chanteurs font leur air dans la même posture… Dans l’opéra-bouffe, la comédie est très importante. Il faut trouver l’équilibre entre moments chantés et parlés.
– Et comment le faire?
– Ma spécialité, c’est le timing. Il faut que le timing des scènes parlées soit aussi rapide, précis et nerveux que l’est la musique.
– Vous montez sur le plateau pour guider les comédiens?
– Bien sûr que j’y vais, mais j’ai aussi une assistante, Frédérique Lombart, qui m’aide dans le travail. En plein filage, je lui dis «Tu fais ceci, cela…». Et elle indique à l’acteur les mouvements.
– Vous laissez une marge d’improvisation aux acteurs? – Non, je les observe. En fonction de leurs capacités, je les dirige. J’improvise beaucoup.
– Pourquoi des décors et costumes cubistes pour «L’Etoile»?
– Cet opéra-bouffe, écrit en 1876, préfigure le surréalisme, le dadaïsme. Voilà pourquoi j’ai demandé à Ezio Toffolutti de faire un décor cubiste. Certains costumes sont des reproductions exactes de dessins de Fernand Léger. Mais ce n’est pas une exposition picturale: chacun des tableaux a été fait pour qu’il ait une utilité.
– Et l’univers de «L’Etoile»? – C’est un mélange entre Le Petit Prince pour la poésie enfantine et Ubu Roi pour la scatologie enfantine. Le personnage central, c’est le pal qui empale un condamné tous les ans. Chez moi, le pal est un crayon de couleur. C’est un numéro de magie. Le Chef de Police redescend du pal et dit «Même pas mal». Je conseille ce spectacle aux enfants. Il n’y a rien de scabreux.