Jeunes plasticiens, expressions et identités
Exposition
Contrasté et cohérent, l’accrochage «Nouvelles vagues» réunit à la Villa Bernasconi des propositions pleines de caractère

Les «nouvelles vagues» que soulève l’exposition du printemps à la Villa Bernasconi représentent non seulement le renouveau de la scène artistique genevoise, renouveau favorisé par des artistes venus d’autres horizons, mais également les vagues que suscitent les œuvres respectives des différents plasticiens, et qui sans fin viennent s’échouer sur la grève. Le motif de la vague fait enfin allusion aux flots que traversent les migrants, par exemple dans un beau travail vidéo de Dorian Ozhan Sari, artiste turc établi à Genève. A la barre d’un canot à moteur, celui-ci, dans cette manière d’autoportrait, évoque les espoirs des arrivants, et les désillusions possibles auxquelles il leur faut se préparer – ceci sans nulle acrimonie, au contraire dans un esprit qu’on peut qualifier de poétique.
Du même jeune artiste, on découvrira une impressionnante sculpture au sol constituée de matelas teints en noir et assemblés de manière à former un taureau sur le dos. Intitulée Je me suis réveillé. Il faisait encore nuit, cette pièce émane d’un rêve, mais aussi d’un étonnement devant la quantité d’affaires déposées sur le trottoir, dont de nombreux matelas dont les gens ne veulent plus, et qui appellent aussi bien le sommeil que le rêve, ou le cauchemar (le taureau en question n’a plus de tête, mais il n’en semble pas moins vivant, et puissant). «Le tissu du matelas était devenu ma peau, explique l’artiste dans la publication qui accompagne l’exposition. Ma mousse était mes muscles. Chacun des matelas de mes sculptures détient sa propre histoire…»
Balcon plâtré et coloré
Cinq plasticiens, ou collectif dans le cas de EW, se partagent les autres salles. EW avec un travail où les mains jouent un véritable rôle, comme dans une chorégraphie, calculée et mystérieuse: «La main gauche est dans la main droite, les pouces se touchent. Puis index, majeurs, annulaires et auriculaires se rejoignent…» L’Espagnole Irene Munoz Martin avec une vidéo inscrite dans la réalité socio-politique, en l’occurrence les circonstances entourant les naturalisations. Gil Pellaton, qui vit à Bienne, avec une intervention extérieure, sur le balcon de la Villa Bernasconi, comme plâtré et coloré, exemple de la manière dont l’artiste opère des glissements de matières et de sens.
Président Vertut montre un travail très fort, sous la forme d’une vidéo où de pseudo-djihadistes démolissent à coups de masse, dans un musée d’art contemporain, non pas des objets antiques, mais des pseudo-œuvres. Cette pièce interroge certes la violence, mais aussi le statut de l’œuvre d’art. Enfin, Omar Ba se renouvelle par le biais d’une technique qu’il vient d’acquérir, celle de l’icône. Magnifique façon d’associer les traditions: l’artiste musulman s’est formé dans les règles à un art typiquement chrétien, mais sans renoncer à son identité ni à son style. Très riche, cette exposition collective se donne à méditer.
«Nouvelles vagues», Villa Bernasconi, Lancy, juqu’au 22 mai. Ma-di 14h-18h. www.villabernasconi.ch