Classique
Genève aura vécu des heures rares. Le Concours Menuhin s’est achevé ce week-end sur une distribution inédite de distinctions, couronnant d’un double Premier Prix deux virtuoses âgés de seulement 10 et 11 ans

L’année genevoise du Concours Menuhin aura été exceptionnelle à tous niveaux, avec de grandes nouveautés. D’abord, six concurrents ont été hissés en finale pour la catégorie Juniors, contre cinq habituellement. Ensuite, deux Premiers Prix ex aequo ont été décernés, ce qui ne s’est jamais vu dans le Concours Menuhin. Enfin, couronner des violonistes si jeunes est aussi inédit. On peut donc dire que Genève aura vécu des heures rares.
L’intérêt pour la manifestation itinérante, la participation et l’accueil du public aura été «incroyable» pour le directeur artistique, Gordon Back, qui a aussi salué le nombre d’événements proposés pour la première fois dans la Cité de Calvin.
Cauchemar
Après dix jours d’une compétition serrée, l’heure était aux nominations et à la fête ce week-end au Victoria Hall. Dans la catégorie Juniors, particulièrement exceptionnelle, le choix s’est révélé «un cauchemar» pour la présidente du jury, Pamela Frank, qui a déclaré que «six Premiers Prix auraient pu être octroyés» tant le niveau était élevé.
Quand ils sont montés sur la scène pour être nommés, les tout jeunes violonistes venaient d’affronter les tensions d’un concert qu’ils n’oublieront jamais. Samedi, les juniors ouvraient les feux.
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Au programme de leur finale: la pièce Self in Mind de Jaehyuck Choi, Premier Prix de composition au Concours de Genève 2017. Courte mais intense et exigeante, demandant une finesse de jeu extrême, la partition a semblé faire partie des classiques tant ces jeunes archets l’ont interprétée avec une technique et un naturel confondants.
La partie classique de leur prestation était dévolue aux Quatre saisons de Vivaldi. La particularité de ce choix était de pouvoir tenir à la fois le rôle de soliste et de mener un orchestre, ce que les deux plus jeunes ont réalisé de façon étonnante.
Les deux Premiers Prix Juniors ex aequo n’ont que 10 et 11 ans. A l’heure des récompenses, Chloe Chua rayonne dans sa robe scintillante de fée. La petite Singapourienne se tient sagement à côté du cadet de la compétition, Christian Li, en tenue noire bordée de blanc. Les deux enfants sont minuscules: derrière eux, les neuf membres du jury ont l’air de géants.
Le garçon, Australien de passeport, a encore reçu le Prix du public alors que le Online de la plateforme Arte Concert a été remporté par le Brésilien Guido Sant’Anna, âgé de 12 ans, d’une maturité de sage.
Unanimité entre le public et le jury
Du côté des Seniors, catégorie incluant des concurrents de 16 à 22 ans, leur finale avait des allures plus classiques. Les quatre violonistes, déjà habitués aux affres des compétitions et de la scène, ont offert autant de concertos de leur choix, en professionnels presque aguerris. Une belle machine symphonique les accompagne: le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Julian Rachlin, aussi violoniste de renom.
Unanimité entre le public et le jury: l’Arménienne Diana Adamyan (18 ans) domine ses collègues par sa profondeur, son lyrisme et son rayonnement. Dans le 1er Concerto de Bruch, elle rafle les deux prix devant Hyunjae Lim, Sud-Coréenne de 20 ans (Mendelssohn), Tianyou Ma, Chinois de 17 ans (2e de Prokofiev) et Nathan Mierdl, Franco-Allemand de 20 ans (3e de Saint-Saëns), qui reçoit de son côté le Prix Online.
Une récompense de poids quand on sait qu’elle concerne une très large audience internationale via internet, environ dix fois supérieure à celle de la salle du Victoria Hall. Belle compensation.