Face à cet univers déshumanisé, les Scènes d'un roman de György Kurtág (d'après les poèmes russes de Rimma Dalos) nous ramènent dans le monde des vivants. La soprano Natalia Zagorinskaïa travaille ses couleurs dans une esthétique âpre, torturée. Elle nourrit un dialogue tendu avec les instruments: quand la voix devient angélique, le violon, la contrebasse et le cymbalum ricanent; quand elle explose, ceux-ci cherchent la chaleur rassurante des harmonies populaires hongroises. Toujours ces mêmes gestes elliptiques dans Requiem pour un ami. Et toujours cette réflexion sur la parole, trop incomplète pour résoudre les conflits humains et embrasser la divinité.
Transcendance de l'indicible
A l'inverse, le langage de Holliger conquiert l'espace-temps, invente tout un vocabulaire de gestes pour transcender l'indicible. L'instrument soliste – l'alto – domine Recicanto dans une oscillation mélodique ininterrompue. Comme une logorrhée, son chant finit par s'imposer face aux rythmes brutaux jetés depuis l'arrière par l'orchestre. Puissante, colorée, cette partition dirigée par Holliger se termine sur une élévation ponctuée de sonorités de cloches, en hommage à la claveciniste Christiane Jaccottet.