Cette fois, ça y est. Enlevé au nez et à la barbe des festivals italiens de Venise et de Rome, Jimmy della Collina, d'Enrico Pau, a vraiment lancé la compétition.
Serait-ce dans les marges qu'il faut trouver la nouvelle vitalité du cinéma italien? Toujours est-il que ce portrait d'un adolescent rebelle vient de Sardaigne. Autre surprise, ce n'est pas l'œuvre d'un jeune débutant, mais le premier long-métrage d'un ex-critique de théâtre de 49 ans passé par le documentaire. Car rien à l'écran ne le laisserait deviner, tant le film se distingue par un dynamisme visuel très actuel et la rage mutique de son protagoniste.
Fils de famille ouvrière qui rêve d'émigrer au Mexique, Jimmy méprise les siens, sombre dans la délinquance, est arrêté et envoyé en prison pour trois ans. Autant de lieux communs évoqués sans jamais s'appesantir, le temps que ne commence le véritable récit: comment ce jeune homme à qui l'on a trop répété qu'il ressemblait à un acteur américain se réconcilie avec certaines limites de la vie.
En prison puis dans la communauté de «détention douce» La Collina, le film se pose un peu, vire plus néoréaliste, mais sans jamais vraiment changer de ton, animé qu'il est de bout en bout par l'obsession d'évasion de Jimmy. Lorsque ce dernier reçoit en pleine poire la révélation de l'Autre, à travers la confession de l'animatrice-surveillante Claudia, c'est saisissant. Et le final sur un morceau de Gabriel Fauré, avec Jimmy parvenu au bord d'une falaise, réalisant que s'il vit sur une île, personne n'en est une, est de toute beauté.
Guetté tour à tour par la virtuosité (rêveries du héros), l'austérité et le sentimentalisme, Enrico Pau ne tombe dans aucun de ces pièges. Il évoque aussi bien l'obsession sexuelle que la possibilité de l'amour ou les contradictions (ouverture et fermeture, laideur et beauté) inscrites dans un paysage. Révélation d'un auteur qui comptera?