Cette épaisseur des textures, chez Brahms, est déjà contenue dans l’écriture, qui procède au piano par blocs en cascade. Grimaud y investit pourtant tous les moyens de son instrument de concert, joué le couvercle ouvert. La Sonate op. 100 en la majeur ne laisse aucune chance à Renaud Capuçon, particulièrement noyé sous le déluge saccadé de l’allegro final. Dommage, car le Français sait rendre sa simplicité, sa sérénité à la phrase; violon d’air, piano de plomb.
Grimaud n’est pas coloriste, elle le dit elle-même. Dans la Sonate pour violon de Ravel, si le trait reste épais, au moins se fait-il plus discret. Contrepoint d’autant plus bigarré et chatoyant, le magnifique Guarneri «Panette» de son partenaire murmure des glacis célestes, et chaloupe un «Blues» à l’élégance délicieusement dégingandée.
Gautier, l’autre Capuçon, est ce jeune violoncelliste de talent qui a su se faire un prénom et sortir de l’ombre de son frère aîné. Avec Hélène Grimaud, le contact relève de la communion physique. C’est que les deux musiciens possèdent cette sensualité instrumentale, ce goût pour les sonorités creusées, cette façon de plonger dans l’œuvre à souffle perdu. La Sonate pour violoncelle et piano opus 38 de Brahms est un dialogue des profondeurs. Volcanique, plus terrien que Renaud, Gautier Capuçon joue avec instinct. La présence minérale de Grimaud, surtout dans le premier mouvement, y trouve tout son sens, sa mesure, et son équilibre.