Celle qu’on nommait simplement par son prénom, Lhasa, avait conquis le public canadien, mais aussi international en 1997 avec son premier album en espagnol, La Llorona, mélange de chansons traditionnelles latino-américaines et de textes originaux sur une musique mêlant des mélopées tziganes à des sonorités plus blues, country et rock. La chanteuse américano-mexicaine, établie depuis plusieurs années à Montréal, s’est éteinte.

Les hommages sont unanimes, comme sur le blog Voix publique du magazine montréalais Voir, qui en a le souffle coupé et, du coup, hache ses phrases de tremblements d’émotion: «La mort de Lhasa de Sela m’a saisie. Pourtant, sa voix, chaude, ronde et pleine comme un film d’Almodóvar, s’annonçait cette année plus vivante que jamais… Morte à 37 ans, suite à un cancer du sein. 37 ans. […] Lhasa du Tibet – cet endroit magique au nom duquel Lhasa de Sela avait été baptisée… Enfin, ceci pour dire que cette maladie – désolée pour le cliché – vient parfois voler des vies qui, trop souvent, ne commencent qu’à se déployer. Mais qui laisseront des traces indélébiles.»

«De retour au bureau ce matin, café serré, distribution de vœux, ouverture de la boîte mail… Et là, subitement les sourires s’éteignent, raconte sur le même ton Le Nouvel Observateur: Lhasa est morte. A 37 ans. Alors que nous n’avions plus de ses nouvelles depuis l’annonce de l’annulation de sa tournée. Que dire de plus, sinon qu’elle aura été une artiste sublime?»

Une «onde de choc», confirme Le Devoir de Montréal: «Au-delà de l’artiste, c’est la femme exceptionnelle qu’elle était qui nous manquera», souligne sa maison de disques Audiogram. Et le quotidien de préciser que «même le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a déploré le «vide considérable» que laisse son départ prématuré dans le milieu québécois et canadien de la chanson».

Car «au sein de la grande famille des chanteurs et musiciens» de la Belle Province, «Lhasa était grandement estimée», comme en témoignent les mots du chanteur Jérôme Minière dans Le Journal de Québec. Elle «était dévouée à son art, admire le blog Rue Frontenac. Il n’était surtout pas question de s’apitoyer sur son sort afin d’attirer la sympathie et de vendre davantage de disques. Elle voulait qu’on l’apprécie pour son talent, point à la ligne. Et lorsqu’on réécoute son œuvre, on réalise qu’elle en avait à l’infini, du talent.» Et pour El País, elle avait «la voix d’un ange errant». Une voix «ancestrale» pour Público.

Le site des Inrockuptibles offre ses trois albums en écoute intégrale et se souvient de sa période «Foufounes électriques», le célèbre bar de Montréal, en évoquant aussi une visite à son domicile dans un autre article: «C’était au mois d’octobre 2003. […] Elle nous avait fait du thé en sifflant un petit air qui ressemblait à du Charles Aznavour: elle nous avait dit que tout ce qu’elle sifflait ressemblait à du Charles Aznavour, de toute façon.» On retrouve aussi Lhasa de Sela à la Une de Libération mardi: «Des pleureuses et pleureurs, il y en a beaucoup à travers le monde.» Et Europe 1 lui rendra hommage samedi en rediffusant son dernier spectacle en France, enregistré en 2009, dans On connaît la musique.

«Elle avait quelque chose du lutin» pour la Tribune de Genève, qui propose quelques vidéos de concert. «Petite, douce, un museau à la fois pointu et arrondi, et une présence délicate. Mais sous sa simplicité chaleureuse se nichait un tempérament original et trempé.» Une «force tranquille abritant un tempérament de feu», dit Le Parisien. Et, «curieuse de toutes les sonorités, selon 24 Heures, la chanteuse s’essaie aussi au français (elle a vécu quelque temps dans la région de Marseille) et à l’anglais, mais a également tenté l’italien, le russe, le portugais et l’allemand».

La première fois qu’il a été question de Lhasa dans La Presse canadienne, signale cette dernière de manière rigolote, «c’était par hasard, dans le cadre d’un article… sur les déménagements», publié en 1991, six ans avant la sortie de son premier album. Où on la voit photographiée, toute jeune, 20 ans à peine. «Elle est frêle, rieuse et enfantine dans la vie, relève L’Express. Mais sur ses disques et à la scène, [elle] fait retentir la force d’un chant écorché qui raconte le déracinement, la route, le voyage.»

«Passionnée», «sensuelle», «indomptable», «douce», «profonde», «troublante», «hypnotisante», énumère Première. «Les adjectifs ne manquent pas pour décrire la personnalité» de cette artiste dont le magazine propose une version live en vidéo du titre «On rit encore», avec Arthur H au piano. A découvrir juste avant de constater tristement, avec le site Showbizz.net, qu’«il a neigé plus de quarante heures à Montréal depuis son départ». Ainsi se concluait, romantique en diable, le communiqué qui annonçait son envol.