Quoi de commun entre les Editions Droz et Labor & Fides? Leur âge – 75 ans – et l'érudition dont elles font preuve dans leur domaine respectif, les lettres et la théologie: raison suffisante pour que ces deux maisons assez dissemblables aient envie de célébrer leur anniversaire par une exposition commune, plus impressionniste qu'exhaustive, à la Bibliothèque de la Cité à Genève.

Une chronologie parallèle illustrée introduit le visiteur au cœur de leur histoire. C'est en 1924 que le Dr ès lettres Théophile Geisendorf-des Gouttes crée les Editions Labor au Grand-Lancy. Il vise un public populaire de sensibilité protestante et propose des ouvrages d'édification. La même année, la Neuchâteloise Eugénie Droz, qui n'a trouvé personne pour publier sa thèse de doctorat ès lettres, fonde la Librairie Droz à Paris. Rapidement, elle se spécialise dans l'érudition, et se lie avec le monde universitaire. D'où des relations soutenues avec Genève, ville où Eugénie Droz s'installera en 1947. Les successeurs de l'illustre demoiselle ne trahiront pas la politique éditoriale érudite des origines. La maison s'étoffera, élargira son champ d'action en créant de nouvelles revues et collections.

Quant aux Editions Labor, qui ont complété leur nom par «et Fides» en 1943, elles sont reprises en 1951 par le Dr en théologie Jacques de Senarclens, qui les conduit à devenir la principale maison d'édition protestante de langue française en publiant des livres pour étayer le travail des pasteurs, aumôniers et théologiens de langue française. La traduction des grands penseurs protestants de langue allemande n'est pas négligée pour autant, et Luther, Karl Barth et Dietrich Bonhoeffer font partie du catalogue. En 1977, Pierre Gisel, professeur de théologie systématique à Lausanne, prend la direction de Labor & Fides. De nouvelles collections sont lancées et, en 1980, le fonds théologique et biblique des Editions Delachaux et Niestlé de Neuchâtel est racheté. Dès 1988, Le Cerf diffuse Labor & Fides en France. En 1992, Gabriel de Montmollin succède à Pierre Gisel et lance des collections grand public. En 1995 paraît L'Encyclopédie du protestantisme, un volume de 1712 pages réunissant 300 auteurs.

L'exposition présente également quatre panneaux où les deux maisons ont un point commun, comme le livre de poche ou la question du féminisme, et quatre autres panneaux qui permettent à chacune d'exprimer sa singularité. Quelques tables d'exposition proposent des livres de toutes époques. L'originalité est au rendez-vous avec l'espace «Cabinet des curiosités», où le visiteur peut notamment admirer quelques couvertures de livres non retenues – dont celle portant le titre L'Idiot de Nazareth, devenue sous une plume plus consensuelle Un Prince à Nazareth –, ou encore une série de lettres pour le moins curieuses. Enfin, un petit salon de lecture, muni de fauteuils confortables et d'une bibliothèque, invite au délassement ou à la réflexion, c'est selon.

«L'esprit à la lettre», Bibliothèque de la Cité, pl. des Trois-Perdrix 5, Genève, du 24 nov. au 3 déc., ma-ve 10 h-19 h, sa 10 h-17 h.