Plonk & Replonk font de nouveau les Ahurissants Zouaves dans un abécédaire qui devrait réconcilier petits et grands sous le sapin qui brûle.

L’avertissement s’affiche en pleine page 3: «Les personnes non prévenues peuvent considérer qu’elles le sont à partir de maintenant.» Et comme un lecteur averti en vaut deux, c’est à quatre mains et avec l’impression de ne plus avoir les yeux en face des trous qu’il dévore De zéro à Z. L’abécédaire de l’inutile, juste sorti des presses & represses de Plonk & Replonk.

Edité par Hoëbeke, ce qui marque une forme de consécration et l’entrée en fanfare du binôme chaux-de-fonnier dans le paysage éditorial français (un numéro spécial de Libération, une apparition à Canal+…), cet ouvrage suit plusieurs pistes. Didactique, il enseigne à lire jusqu’à six et à compter jusqu’à Z (comme Zorro, what else?), la lettre qui est à l’alphabet ce que le dernier jour est à l’éternité. Une demi-douzaine de textes complète cet indispensable compendium. Ils posent des questions qui dérangent («Combien de calories dans un teckel cru?»), comptent les pattes des mouches ou débusquent un roman méconnu d’Alexandre Dumas dans lequel les trois mousquetaires, exilés en Afrique, ont fort à faire avec les mouches tsé-tsé et les rhinocéros… (Réponse: toujours moins que dans un hot-dog).

Mais c’est une nouvelle fois avec leurs images d’antan détournées, gauchies et ornementées que Plonk & Replonk nous transportent pleinement dans leurs platebandes à billevesées, cette dimension confinant au désert de la Folie douce, là où broute la moumoute des Préalpes et se dresse l’«Asile de flous»… Ô délectables pinacles du nonsense! Ô traditions et métiers! Ah, ces rudes Bourguignons qui disputent une partie de billard dans laquelle l’escargot remplace la boule! Ces poissons qui se cachent pour mourir! Ah, le cheval taupier et la privatisation de la justice publique! Ouille, la fatalité de la «presquitude des choses» et toi, touriste qui aperçois un morceau de fromage, passe ton chemin, car il pourrait s’agir d’un piège! Le sommet de l’aporie existentielle restant ces «Alpinistes ayant escaladé un sommet et ne sachant plus comment redescendre»…

Dans sa préface, Daniel Pennac a raison de rappeler que Plonk & Replonk ne sont «ni décalés, ni improbables, ni immenses, ni énormes». Les deux frangins méritent mieux que ces épithètes trahissant le manque d’inspiration des thuriféraires. Car ils sont tout à la fois les descendants de Lewis Carroll et l’avenir de la carte postale, les trois pattes cassées du canard et le pinceau auquel on s’accroche quand l’échelle vient à manquer…

De zéro à Z. L’abécédaire de l’inutile, Plonk & Replonk. Préface de Daniel Pennac. Hoëbeke, 94 p. Env. 28 francs

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