Il y a le sujet, et il y a son traitement: dans L’Age des possibles, tous deux sont admirables. Les jeunes gens que Marie Chartres met en scène dans ce récit où les voix alternent, se cherchent, s’unissent ou se séparent, n’ont pas grand-chose en commun avec les adolescents qui le liront. Car Rachel et Saul sont amish, et s’ils arrivent à Chicago, c’est que les deux amoureux font leur «rumspringa», sorte d’initiation à l’autre vie, celle à laquelle ils doivent en principe décider de renoncer définitivement, après l’avoir effleurée le temps d’une parenthèse – enchantée ou pas. Leur route croisera celles de Temple, tétanisée car elle quitte pour la première fois sa (petite) ville et sa (petite) vie, et Frederik, jeune gars qui connaît les rues comme sa poche puisqu’il y vit.

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De mouvements de l’âme en élans du corps, de dégoûts en émerveillements, de doutes en certitudes, la fine écriture de Marie Chartres nous emmène dans des contrées (géographiques et mentales) inconnues, que ses jeunes héros déchiffrent ou expliquent avec leurs propres codes. Les mots de l’une et les yeux des autres sont d’étonnants miroirs, de captivants filtres qui donnent à ce roman initiatique une force rare et une humanité merveilleuse.

Migrants cachés

Des récits habillés de légèreté, mais habités de gravité: c’est ainsi qu’on pourrait définir les premières parutions de la nouvelle collection Le Grand Bain au Seuil Jeunesse. Une collection qui s’adresse aux enfants dès 8 ans, et dont les textes s’accompagnent de nombreuses illustrations (de qualité) ainsi que d’une jaquette qui se transforme, si on le souhaite, en petit poster permettant de plonger ou replonger dans l’atmosphère du livre.

Lou a oublié sa tête. Et c’est bien embêtant, ce corps de petite fille qui arrive à l’école alors que sa tête est restée à la maison. Comment vont-ils se retrouver, surtout à présent que la tête de Lou est tombée d’une fenêtre, a atterri dans un camion qui fait route vers l’Angleterre? Une atmosphère complètement loufoque, des situations drolatiques, des péripéties à rebondissements, voici pour la légèreté. La gravité, ce sera la rencontre, dans le camion, avec des migrants cachés, leur fuite dans la forêt. Les deux se mêlent et la fin rapproche les contraires, raccommode les êtres.



Marie Chartres

L’Age des possibles

L’Ecole des loisirs/Médium +

Dès 13 ans


Denis Baronnet

Illustration: Gaëtan Dorémus

Lou a oublié sa tête

Seuil Jeunesse/Le Grand Bain

Dès 8 ans