Carnet noir
Comme Corinna S.Bille, elle avait remporté le Prix Goncourt de la nouvelle. Elle est aussi l’auteure de la nouvelle traduction de «L’Attrape-cœur»

Annie Saumont, petite dame discrète mais nouvelliste au talent incisif, s’est éteinte mardi à l’âge de 89 ans. Elle était une grande artiste de la forme brève, une forme qui n’a malheureusement pas la faveur des lecteurs francophones, sauf en traduction de l’anglais. Si elle avait signé d’un nom aux consonances anglo-saxonnes – Anny Saumonth, par exemple – disait d’elle le critique François Busnel dans «Lire», elle aurait eu droit aux premières places des pages littéraires, à l’égal d’un Carver, auquel on la compare souvent. Son talent a quand même été reconnu par le prix Goncourt de la nouvelle (que reçut aussi Corinna S.Bille) et plusieurs autres distinctions.
Chutes inattendues
Annie Saumont, qui ne savait pas parler de son art mais le pratiquait en maître, avait le génie des chutes inattendues, souvent d’une cruauté feutrée. Son regard était à la fois tendre et acéré. Et elle mettait au service de ses brèves histoires une écriture au scalpel, retravaillée jusqu’à l’épure. Elle aurait voulu étendre ses brefs récits jusqu’au roman, mais force lui était de constater, au bout de cinq pages, que c’était fini. Les titres de ses nombreux recueils (presque tous chez Juillard) sont à eux-mêmes de petits chefs-d’œuvre: «Si on les tuait?», «Les voilà quel bonheur», «C’est rien ça va passer», «Moi les enfants j’aime pas tellement», «Qu’est-ce qu’il y a dans la rue qui t’intéresse tellement?».
Annie Saumont était une grande voyageuse, mais ses nouvelles parlaient de la vie quotidienne, celle des villes et des banlieues. Elle a aussi mis son art des dialogues et de la langue parlée au service des auteurs de langue anglaise: on lui doit la nouvelle traduction de «L’Attrape-cœur» de Salinger.