«J’ai lu Les malheurs de Sophie, mon premier livre, alors que je n’étais pas encore consciente que je savais lire. Je l’ai reçu pour mes 7 ans. A la fin du premier chapitre, ma mère, qui me faisait la lecture, s’arrête en disant que la suite serait pour le lendemain. Je résiste tant et si bien qu’elle dit: «Mais lis par toi-même, tu sais lire!» Interloquée, j’ai commencé seule et le miracle s’est produit: je comprenais ce que je lisais. Chapitre après chapitre, j’étais fascinée par les bêtises de Sophie. Elle était grondée, puis punie et enfin pardonnée par sa mère. Et c’était fini! J’étais ébahie. J’avais une mère sévère, je n’osais faire aucune bêtise. Je m’imaginais des châtiments atroces proches de ceux du Petit Poucet où les enfants désobéissants sont abandonnés en forêt… Les Malheurs de Sophie est un des seuls livres que j’ai gardés de mon enfance.»
H.F. Peters, «Ma sœur, mon épouse» (Gallimard, 1976)
«La lecture de cette biographie de Lou Andreas-Salomé, à 23 ans, m’a fait découvrir qu’une femme pouvait être libre. Alors que durant toute mon enfance, seul mon père l’était: il travaillait, voyageait, revenait en fin de semaine l’humeur joyeuse, avec des cadeaux. Nous, les enfants, nous restions confinés à la maison avec les femmes, mère, grand-mère, tantes. Aucune ne travaillait sauf une, parce qu’elle était divorcée… Les autres avaient arrêté de travailler en se mariant. Ne plus travailler était un signe d’élévation sociale. Autour de moi, mis à part les institutrices, tous les métiers étaient tenus par des hommes, médecins, avocats, dentistes, et tous avaient des secrétaires féminines. Enfant, je trouvais ces vies de femme affreusement ennuyeuses. Ma grande question était de trouver un moyen de vivre la vie de papa tout en étant une fille.»
Marie Cardinale, «Les mots pour le dire» (Grasset, 2014)
«Ce roman autobiographique de Marie Cardinale, paru en 1976, a changé ma vie. Marie Cardinale a été une des premières à écrire sur sa vie de femme. Pendant mes études de lettres à Neuchâtel, nous n’avions bien sûr que des professeurs masculins et nous étudiions uniquement des œuvres d’auteurs masculins. L’unique femme mentionnée était Madame de Sévigné, considérée comme mineure et donc pas étudiée. Inutile de préciser qu’aucun auteur suisse n’était au programme non plus. Et donc, quand j’ai commencé à vouloir écrire, il n’existait pas de place pour moi. La vie des femmes, les enfants, les frustrations, les scènes avec le mari, les repas, n’étaient pas dans les livres. Marie Cardinale a fait de cette matière féminine quelque chose que l’on pouvait décrire. Cela eut l’effet d’une révélation pour moi et pour beaucoup de femmes. Deux ans plus tard, j’ai commencé à écrire mon premier livre, Les aventures de Plumette et de son premier amant.»
Profil
Amélie Plume est l’auteure de plus d’une quinzaine de romans. Un voile de coton (Zoé), son dernier livre publié, est paru au mois de mai. Elle vit à Genève.