Une fois la porte du Cercle littéraire franchie, on y est comme à la maison. Pour autant bien sûr que l’on apprécie salons feutrés, meubles patinés et gravures anciennes. Le club occupe un immeuble du XVIIIe, place Saint-François, là même où est né Benjamin Constant. Fondée en 1819, la société doit pour beaucoup sa pérennité au fait d’être propriétaire du bâtiment. La location du rez-de-chaussée – Ausoni a succédé au Bazar vaudois – éloigne les soucis financiers.
Qui dit Cercle littéraire dit d’abord société de lecture. A l’origine, une centaine de messieurs se regroupent pour accéder aux principaux journaux d’Europe. Lié à l’élite bourgeoise et au nouveau régime de 1830, le Cercle lausannois sera ensuite le témoin du combat acharné entre libéraux et radicaux. Mais il reste neutre alors, tout comme il reste, sans faire de politique, le rendez-vous de la bonne société lausannoise, de gauche comme de droite, aujourd’hui.
Deux révolutions
Des orages, il y en eut tout de même. Dans les années 1840, pour relancer une fréquentation en chute libre, on assouplit l’austérité toute protestante qui avait présidé à l’ouverture. Le jeu, le tabac et les rafraîchissements sont autorisés. «C’est la première des deux révolutions qui sauveront le Cercle», explique Guillaume Poisson. La seconde? L’ouverture, fort tardive, aux femmes. Celles-ci peuvent certes emprunter des livres depuis la fin du XIXe siècle, mais il leur faut attendre cent ans encore, jusqu’en 1993, pour se voir reconnaître la qualité de membres à part entière.
En 2020, la lecture reste l’occupation principale au numéro 7 de la place Saint-François. Les dos de maroquin tapissent les salons du bel étage, mais, au deuxième, c’est une bibliothèque de l’honnête homme (et femme, donc) tout à fait contemporaine qui s’ouvre dans un espace lumineux. Ouvrages de référence, littérature romande, mais aussi best-sellers, policiers et DVD. «En plein centre et si tranquille, l’urbanité de ce lieu est extraordinaire», témoigne un habitué.
Ces dernières années, d’autres activités s’y sont développées, qui ont permis au Cercle de doubler le nombre de ses membres, de 300 à 600 environ. Guillaume Poisson et sa petite équipe (deux emplois à plein temps et des suppléants) proposent environ 60 événements par an: rencontres avec écrivains et artistes, ateliers de poésie, initiation au billard… Les Prix littéraires Alice-Rivaz et Michel-Dentan y sont désormais décernés. De quoi rapprocher les activités du Cercle de son nom. Les écrivains vaudois, en effet, sont loin d’avoir toujours considéré comme leur une maison fréquentée plutôt par des avocats, des médecins ou des ingénieurs.
La bibliothèque a pu rouvrir le 8 juin. Guillaume Poisson (ci-dessus) planche encore sur la reprise des autres activités, en septembre. Cet historien franco-suisse met aussi à son programme d’abaisser l’âge du recrutement des membres, qu’il situe aujourd’hui «entre 40 et 60 ans». N’était-ce pas l’une des vocations du Cercle à ses débuts que de «susciter l’émulation de la jeunesse studieuse en l’admettant à ces moyens d’instruction»?
Pratique
Contact: admin@cerclelitteraire.ch
A lire: «Les Trésors du Cercle littéraire de Lausanne», sous la direction de Guillaume Poisson, Ed. Slatkine 2019.
Documents historiques