Le chemin de lumière d’une Cendrillon hongroise
POCHE
Une réédition de «La Porte», chef-d’œuvre de Magda Szabo à glisser dans sa poche

Belle idée, cette réédition qui nous permet de rouvrir «La Porte», un petit bijou signé Magda Szabo, née en 1917 dans la communauté protestante hongroise. Disparue en 2007, elle avait reçu le prix Femina étranger 2003 pour ce récit autobiographique où elle met en scène la très généreuse Emerence Szeredas, qui fut sa femme de ménage pendant deux décennies à Budapest, entre le début des années 1960 et la fin des années 1970.
Sainte Marthe
«Pure comme les étoiles» écrit Magda Szabo à propos de cette domestique qu’elle compare à sainte Marthe, dont la vie ne fut que labeur au service des autres. Une sainte, Emerence? Oui, mais bougrement imprévisible. Indomptable. Originale. Intelligente. Et passablement cabocharde. Chez les époux Szabo, c’est elle qui commande: pas question de la contredire, ni de mettre un frein à ses ardeurs, elle qui passe son temps à trimer, à frotter, à balayer la neige, à secourir les démunis, à recueillir enfants perdus et chiens égarés.
De cette Cendrillon hongroise au cœur plus tendre que du pain frais, Magda Szabo brosse un portrait superbe, en racontant comment elle sut tracer son chemin de lumière sur les décombres d’une vie vouée au mépris et aux pires humiliations.
Pestilentiel
Autant de pages bouleversantes, avant ce dénouement tragique où, malade, quasi-paralysée, la vieille servante finit par s’embastiller dans son appartement pestilentiel avec une armada de chats pour seuls compagnons: jusqu’au bout, elle aura souffert dans la solitude, afin de ne pas encombrer les autres, afin de ne rien leur imposer. «Emerence fut une folle de miséricorde inconditionnelle, qui sauvait tout le monde. Son esprit lumineux scintille dans le brouillard» écrit Magda Szabo dont le récit, si poignant, fait souvent penser à «Un Cœur simple» de Flaubert.
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Magda Szabo, «La Porte», traduit du hongrois par Chantal Philippe, Le Livre de Poche, 350 p.