Le précédent cliché: «C'est misogyne»
Un enquêteur urbain
Mais de plus en plus, l’enquêteur devient, ou se confirme, urbain. La localisation à Paris est toujours plus habituelle au fil de la saga. Et même quand il va dans les régions, ses pérégrinations demeurent irréductiblement urbaines, tissées dans les ruelles de pénombre ou les chambres surexposées des grands hôtels.
Les experts ont qualifié Georges Simenon de «romancier de l’espace», l’évolution dans l’environnement étant fondamentale chez lui, comme le recours aux divers sens. Dans une étude disponible en ligne, «Les Itinéraires parisiens du commissaire Maigret», Dominique Meyer-Bolzinger analyse les trajets de l’enquêteur, sa manière d’habiter sa ville, car il est «ancré dans l’espace parisien». Même l’investigation policière, décrite par le créateur du personnage comme une manière de s’imprégner, relève d’une «prise de position spatiale».
Dès la matin, l'assaut de la ville
On le goûte au fil des romans. Dès le matin, Maigret se lance dans la ville, espérant ces bus à plateforme – où il peut fumer – qui arpentent la cité. Il connaît les quartiers, ils les a quadrillés dans ses jeunes années. A présent, commissaire censé rester sur sa chaise à donner des ordres et faire des rapports, il ne cherche qu’à retourner sur le terrain, conduire ses enquêtes au plus près de l’asphalte, ou de la moquette des hôtels particuliers.
En effet, la collecte des informations après le crime se fait entrée dans un espace, à la fois géographique – la maison du drame, souvent –, urbain (de quel quartier), et humain, au contact des proches.
Le Belge Simenon a façonné son Paris, pour son personnage. Les bistrots, les impasses, les petits meublés. Et les grandes artères, l’anonymat des trottoirs. Une ville entière prise en main, sculptée pour le commissaire. Et par lui.