Broutille: c’est ainsi que se nomme le petit héros malheureux du dernier livre d’Anne Herbauts.

Malheureux car il a perdu son chat. Pire encore, personne n’entend sa détresse; le cow-boy, la corneille, l’ogre, tous lui font valoir des soucis bien plus grands, bien plus importants.

C’est parfois légitime, comme l’atteste cet homme, sur les routes car son pays a été «englouti». Mais doit-on comparer les douleurs, les hiérarchiser? Doit-on minimiser les soucis des enfants? Telles sont les questions que pose cet album.

Au moment où il se résignait à adopter le discours adulte («Il y a des choses plus graves, dit Broutille»), le petit bonhomme rencontre un chien, qui enfin l’écoute. Et lui propose de sublimer ce chagrin: «On va faire de ton chat et toi une histoire. Une belle histoire sauvage et farouche.»

Anne Herbauts multiplie les techniques, les matières, découpe et colle, chuchote et claironne; tout fait sens et en premier lieu les quelques traits brouillons, comme inachevés, qui dessinent son personnage. Mais poser des mots sur la tristesse, c’est la reconnaître, la transformer et déjà donner plus de corps à celui qui l’éprouve.

Un petit Broutille qui mérite tout notre intérêt, tant il saura parler aux enfants, tant est belle cette idée que la mise en récit (la littérature?) peut être salvatrice.


Anne Herbauts, «Broutille», Les Albums Casterman. Dès 4 ans.


Heureux qui comme Ulysse…

Ce qu’il aime, Ulysse, c’est écrire et dessiner, seul dans sa maison sur la falaise. Aussi n’est-il pas emballé lorsque son copain Prospère lui propose de l’accompagner en ville, à un ballet de surcroît! Pourtant il ne regrettera pas… ce détour: il en ressort fou amoureux de la danseuse étoile.

Mais cette célébrité est-elle vraiment digne de ses sentiments? Et si une autre femme chamboulait plus encore le cœur d’Ulysse?

Cinq actes et deux histoires composent cet album théâtral: celle d’Ulysse et celle qu’il est en train d’écrire. Et l’une influence l’autre.

On voit la table de travail et le tête-à-tête de l’artiste et de son double, on voit l’ébauche des crayonnés et les personnages qui se rapprochent, se déclarent leur amour avant même qu’Ulysse ne vive le sien.

La langue (délicieuse) de Natali Fortier, ses couleurs (sublimes), ses personnages (fantasques), les ciels, les mers, les oiseaux, tout contribue à créer une énergie joyeuse qui embarque le lecteur, le chahute, l’amuse, l’enchante.


Natali Fortier, «L’amour ça vaut le détour», Albin Michel Jeunesse. Dès 7 ans.