Fin juillet, on a appris que le procès ne durerait pas six mois, mais au moins neuf. Le déroulement ne varie pas, ce qui varie, c’est le temps dévolu aux parties civiles. Elles sont environ 1800 – rescapés et endeuillés. On ne sait toujours pas combien témoigneront. Jusqu’à la dernière minute, elles pourront s’ajouter ou se désister. On alloue, en moyenne, une demi-heure à chacune – mais quel magistrat osera dire «votre temps de parole est écoulé» à quelqu’un qui cherchera ses mots pour raconter l’enfer du Bataclan? La demi-heure sera peut-être une heure, les six mois sont en train de devenir un an, et je ne dois pas être seul aujourd’hui à me demander pourquoi je me prépare à passer un an de ma vie enfermé dans une salle d’audience géante avec un masque sur le visage à écouter parler des victimes et se taire des bourreaux, de 12h30 à 20h, et en me réveillant à l’aube pour mettre au propre mes notes de la veille avant qu’elles soient devenues illisibles – ce qui veut clairement dire ne penser à rien d’autre et n’avoir, pendant un an, plus de vie.