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La formation des aînés, un droit à garantir

Le livre que signent le sociologue Roland Campiche et l’économiste Afi Sika Kuzeawu exprime une conviction forte. Et il lance un cri d’alarme: il convient de prendre au sérieux une des grandes mutations de la société contemporaine, à savoir l’avènement d’adultes motivés et responsables, mais à la retraite. Cela passe, défendent les auteurs, par un geste politique: reconnaître un droit à la formation aux «adultes aînés», les 60-85 ans.

«Qui n’a pas entendu un politicien vanter les mérites de l’apprentissage «la vie durant?» questionne Roland Campiche. Or, les textes de loi qui règlent l’éducation, l’accès à la formation et le marché du travail ignorent les seniors, ce million et demi de Suisses qui ont atteint l’âge de la retraite et ne sont pas encore concernés par les fragilités et les dépendances du quatrième âge. Ce «déni», critique Roland Campiche, reflète une approche utilitariste de la formation et un regard obsolète sur la retraite, à renouveler.

L’expérience montre que les baby-boomers à la retraite n’aspirent pas à un repos passif après une vie professionnelle remplie. En Suisse, un sur deux veut rester actif, selon une enquête citée. Ils ont faim de s’épanouir différemment et de comprendre le monde contemporain dans lequel ils évoluent, souligne le sociologue. Roland Campiche milite depuis des années pour que soit apportée une réponse adaptée à leurs besoins. Il voit dans les Uni3 – les universités du troisième âge – la clef de voûte de cette formation des aînés qu’il appelle de ses vœux. Le bien-être des apprenants augmente, leur autonomie se renforce et toute la société en profite, assurent les auteurs dans un ouvrage richement documenté et qui cerne bien le sujet.

La priorité donnée aux Uni3 et assumée sans complexe par Roland Campiche l’expose au reproche d’élitisme. Reproche renforcé par le fait que l’ouvrage n’accorde pas d’attention particulière aux autres offres de formation proposées aux seniors par le secteur privé – apprendre le japonais, jouer d’un instrument, s’initier à un sport, découvrir l’informatique ou encore se former à une tâche bénévole.

Une modeste subvention

Le sociologue et professeur honoraire de l’UNIL, qui a lui-même présidé l’Université des seniors du canton de Vaud, privilégie l’accès à la connaissance sans bien sûr nier la diversité des aspirations. Il déplore qu’en Suisse les Uni3 – on en dénombre neuf – soient trop fragiles et leurs moyens insuffisants pour répondre aux besoins nouveaux qu’il identifie. Il a visité d’autres pays et cite en exemple le modèle américain des Osher Lifelong Learning Institutes (OLLI), combinant initiatives publiques et privées. Il plaide pour davantage d’ambition de la part de la Confédération et des cantons. Une subvention modeste – 500 000 francs – aurait déjà de grands résultats C’est vrai que ce n’est pas réclamer la lune.