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Hommage à Mme Maigret

L’épouse du commissaire ne vit pas dans son ombre, elle a tout simplement sa vie. Le couple opère par une puissante réunion des contraires. Suite de notre lecture des «Maigret»

Anick et Jean Richard. — © Image du blog generationjeanrichard
Anick et Jean Richard. — © Image du blog generationjeanrichard

Georges Simenon est mort à Lausanne il y a 30 ans, en septembre 1989. En cette «année Simenon», proclamée aussi en raison de l’anniversaire de l’esquisse de Maigret en 1929, chaque semaine, notre chroniqueur rend hommage à l’impérissable commissaire.

Retrouvez toutes nos chroniques au long de la lecture des Maigret.

Des esprits chagrins peuvent juger Mme Maigret comme une femme d’ancien régime, l’épouse qui tricote, limite potiche. Simenon lui-même la décrit avec ce mélange de subtilité et de raideur qui est le propre de son commissaire: «Une jeune fille un peu dodue, au visage très frais, avec, dans le regard, un pétillement qu’on ne voyait pas dans celui de ses amies» – dans Les Mémoires de Maigret, où est narrée la rencontre des deux personnes, avec un Maigret embarrassé dans une soirée où il ne connaît pas grand monde, jusqu’à ce que Mme le repère.

«Maigret» et «Mme» comme deux labels

On peut d’abord objecter que le couple a son indatable originalité. La manière distante et affectueuse, sans grand verbiage, dont Mme appelle son mari «Maigret», comme un sigle. Même dans l’intimité, elle n’a pas la naïveté de croire qu’elle peut percer la carapace: elle la prend avec tout le reste, les absences à répétition, les détours par un bistrot en rentrant du cinéma le vendredi soir…

C’est réciproque: à aucun moment, Maigret ne cherche à changer Mme, ne conteste ses séjours dans son Alsace natale – même s’il en souffre, voir sa soirée de célibataire complètement paumé au début de Maigret au Picratt’s, durant laquelle il flotte vers un restaurant puis au cinéma sans jamais savoir quoi faire. Les deux (fortes) personnalités s’expriment même par la langue: Simenon n’écrit jamais «Madame Maigret», mais «Mme», comme un label comparable à celui de «Maigret».

Les contraires absolus

La magie de ce tandem tient dans cette réunion des contraires. Mme saisit des détails parlants dans la vie quotidienne comme Maigret ne sait les interpréter que durant ses enquêtes. Elle structure le couple, alors que Maigret en dépend. Elle est incapable de rester inactive une minute, tandis qu’il sait se rendre amorphe, et éponge, au service de son investigation du moment. Vieux couple, peut-être, mais si fort.

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