Polar
Avec «Chaleur», l’auteur de «Permis C.» s’invite aux championnats du monde de sauna. Un roman noir et torride

Il semble que la Finlande puisse prétendre au titre de championne du monde des championnats du monde insolites. Ainsi le «porter d’épouse», le «football en marécage», le «lancer de bottes» et «de téléphone portable» font-ils partie, à en croire Joseph Incardona, des nombreux divertissements que s’offrent les citoyens de ce pays lorsqu’ils s’ennuient.
Une compétition particulière a retenu l’attention de l’auteur italo-suisse, qui en a tiré la substance d’un roman noir et torride, intitulé «Chaleur»: le Championnat du monde de sauna.
Au plus près de la peau
Aujourd’hui, ce championnat est une compétition tombée en désuétude, après sa dernière édition en 2010. Car elle a été le théâtre, à Heinola, cette année-là d’un fait assez atroce qui a entraîné son abandon. On le trouve facilement en surfant sur le Net, mais le suspens de «Chaleur» risque d’en pâtir.
Dans ce dernier livre, Joseph Incardona, auteur installé à Genève qui mène de front l’écriture de romans noirs («Derrière les panneaux, il y a des hommes», Finitude, 2015, Grand prix de littérature policière) et de romans plutôt autobiographiques («Permis C». BNS Presse, 2016), s’intéresse de près à la chair humaine.
A 110 degrés Celsius, il n’y a que votre peau pour vous contenir, votre peau est tout ce que vous possédez
«Derrière les panneaux, il y a des hommes» dépeignait un univers plutôt froid, désincarné, celui des autoroutes, des restoroutes, des parkings. Dans ce décor glaçant œuvrait un tueur d’enfants. Avec «Chaleur», on change de registre. On s’installe au plus près de la peau. Au plus près de la peau des champions de sauna, qui vont devoir supporter des températures inhumaines, armés de leur seul derme… «A 110 degrés Celsius, il n’y a que votre peau pour vous contenir, votre peau est tout ce que vous possédez.» Une peau qui est aussi l’objet de caresses, d’intrusions multiples et lubriques, puisque l’un des deux favoris, Niko, est une star du porno finlandais. C’est dire s’il rentabilise sa chair.
Pour les groupies, t’es peut-être le dieu Thor, mais pour moi c’est du flan, t’es juste une farce, un décor de théâtre.
A fleur de peau, mais bien noir, tel est «Chaleur», un roman qui ne porte ni gants ni préservatifs. Tout au plus enfile-t-il, de temps à autre, un peignoir léopard. C’est pornographique et un peu gore, mais très maîtrisé. La construction qui se focalise tour à tour sur chacun des trois personnages principaux, Niko, hardeur et star locale, Igor, son éternel concurrent russe, ancien sous-marinier, et Alexandra, sa fille, juriste auprès de la Commission européenne, fait monter le suspens en même temps que la température.
Des phrases courtes, hachées, directes détaillent la compétition sans pitié qui oppose Niko à Igor. Qui sera le dernier à quitter l’habitacle de bois surchauffé et à gagner ainsi le titre de champion du monde de sauna? Autour de cette question – brûlante –, Joseph Incardona tisse une micro-tragédie très efficace.
Joseph Incardona, «Chaleur», Finitude, 152 p.