Jozef Czapski, une question de regard
Peindre, écrire, témoigner: ainsi l’artiste et intellectuel polonais a-t-il traversé les tragédies de son siècle. Connu pour ses textes sur le Goulag et sur Proust, il se vivait avant tout comme peintre. Deux expositions et deux livres permettent de prendre la mesure d’un parcours d’exception
Visiter une exposition avec le sentiment de pouvoir mieux connaître quelqu’un. C’est l’émotion que l’on ressent en se rendant à la Fondation Jan Michalski qui présente, dès le 3 octobre et jusqu’au 17 janvier, Jozef Czapski, peintre et écrivain. Dans le prolongement et en partenariat, la Maison des arts Plexus, à Chexbres, propose en parallèle un parcours parmi une cinquantaine de toiles de l’artiste polonais.
Forcément riches, les personnalités multitalents, capables de s’exprimer avec justesse par plusieurs canaux, par plusieurs vecteurs poétiques, ne se laissent pas cataloguer. Et demeurent souvent en marge de la reconnaissance, glissant entre les doigts écartés de la mémoire collective. Or, devant les toiles ou dans les livres de Jozef Czapski (Noir sur Blanc réédite à cette occasion son grand récit Terre inhumaine et publie une remarquable biographie sur lui, nous y reviendrons), à voir ses tableaux et à le lire donc, on entend une voix à la fois ultra-sensible et forte, celle de cette génération qui avait 20 ans à la Première Guerre mondiale et 40 à la Deuxième. Celle d’un jeune pacifiste qui se rêvait peintre, propulsé au cœur de deux boucheries, qui n’aura de cesse que de ne pas basculer dans les extrêmes, de garder foi dans l’humain. Dans ses livres et dans ses toiles, il regarde l’autre et le monde à hauteur d’homme.